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    « Fremont », mode d’emploi poétique des relations humaines

    Fremont
    de Babak Jalali
    Drame
    Avec Anaita Wali Zada, Hilda Schmelling, Avis See-tho
    Sortie en salles le 17 juillet 2024

    Donya, jeune réfugiée afghane de 20 ans, travaille pour une fabrique de fortune cookies à San Francisco. Ancienne traductrice pour l’armée américaine en Afghanistan, elle peine à se reconstruire une vie tranquille. Sa routine est bouleversée lorsque son patron lui confie la rédaction des prédictions des biscuits chinois. Elle décide d’envoyer un message spécial dans un des biscuits.

    Le quotidien de Donya est rythmé par des tâches répétitives et des interactions souvent vides de sens, mais chargées de vérités déconcertantes. Travaillant dans une usine de fortune cookies, elle se perd dans les banalités du small talk imposé par un patron bavard et une collègue désespérée de trouver l’amour. Ses rendez-vous chez le psychiatre, loin de l’aider à naviguer dans ses propres tourments, révèlent davantage les failles du thérapeute que les siennes. Et puis, il y a les conversations nocturnes avec un voisin insomniaque : des échanges qui, bien que superficiels en apparence, dévoilent des fragments de vérité sur eux-mêmes. Ces banalités du quotidien, si lourdes à nos yeux, ne sont-elles pas alors essentielles à nos relations ?

    Le film révèle ainsi le véritable cœur de son propos : chaque personnage se dévoile à travers ce que l’autre fait ressortir de lui. Les interactions, aussi banales soient-elles, modulent leurs choix et leurs trajectoires. Chaque personnage est en proie à des questionnements profonds, souvent sans réponse. Ces réflexions métaphysiques, symbolisées par le cheminement des messages dans les biscuits chinois, poussent les personnages à se côtoyer.

    Le film déploie une absurdité réfléchie pour véhiculer ce message. Une scène marquante met en avant une vieille collègue de Donya qui se tue littéralement à la tâche et succombe soudainement sur son clavier. Cette image saisissante met en lumière la pression sociale omniprésente qui réprime l’expression des émotions, poussée ici jusqu’à l’indifférence la plus totale. Le montage, rigoureux et intransigeant, ne permet pas au spectateur de digérer les informations, l’empêchant de s’attarder. Les personnages jouent sur la littéralité des mots, provoquant une remise en question intempestive. Les proverbes et dictons, traditionnellement porteurs de sagesse, sont également soumis à un examen minutieux, révélant une méfiance générale de l’Humain et de ses valeurs partagées.

    L’esthétique du film sert magnifiquement son propos. L’obscurité omniprésente et les jeux de lumière confèrent une force évocatrice à cette quête identitaire. La multiplication des points de vue dans le miroir fait face à la volonté de la protagoniste de faire comme les autres. Les plans, souvent fixes, reflètent le conformisme et la rigidité de la vie de Donya. Cette caméra immobile semble avoir peur de déranger. On ressent ainsi le poids de l’inertie et de la stagnation.

    Un conte qui semble profondément pessimiste mais qui réjouit par son message universel. Il est une invitation à explorer les profondeurs de nos relations avec les autres et nous-même. La boucle narrative se referme avec une fluidité naturelle, laissant dans nos oreilles un chant qui viendra rythmer nos propres vicissitudes.

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