Scénario : Julian Voloj
Dessin : Hamid Suleiman
Éditeur :Casterman
Sortie : 2 mars 2022
Genre : Roman graphique
À la différence de Martin de Halleux, qui avait récemment édité plusieurs compilations des œuvres de Masereel sous forme de bande dessinée, Casterman nous propose un ouvrage qui rend hommage à l’artiste belge sans utiliser ses propres dessins.
Quand Masereel meurt dans les années 70, personne n’a encore jamais évoqué le roman graphique. Et pourtant, sans le savoir, il en a été un précurseur (décidément la bande dessinée est bien une affaire de Belges ! ). Juxtaposant des gravures pour en faire une narration muette, il devance Hugo Pratt et sa Ballade de la mer salée. Alors pour rendre hommage à l’auteur de cette publication visionnaire titrée 25 Images de la passion d’un homme, le neuvième art lui consacre aujourd’hui une biographie en 25 chapitres.
Masereel ayant été récompensé par le festival d’Angoulême à titre posthume, on imagine la pression qu’ont du ressentir les auteurs Sulaimane et Voloj quand ils ont décidé de lui consacrer un album en se réappropriant son style Avec un trait gras et une organisation extrêmement contrastée de l’image, Sulaiman évoque la pratique de la gravure à qui le blankenbergeois doit son succès. Il imagine un monde, s’inspirant de l’expressionnisme allemand comme le faisait Masereel, dans lequel les villes fourmillent et les visages fatigués des bombardements s’étirent en un long cri. Proche de sa source tout en s’affirmant, le dessinateur syrien réalise une œuvre hybride à cheval entre leurs deux univers avec comme point d’accroche la violence des guerres qu’ils ont tous deux connues.
Pour rappeler le proto-roman graphique de Masereel, qu’il avait conçu comme un voyage silencieux, les auteurs ont choisi de ne presque pas insérer de texte dans les images. Clin d’œil à son époque qui est aussi celle du cinéma muet, quelques cartons d’informations – écrits en blanc sur un fond noir et bordés d’ornements – viennent ouvrir les différents chapitres. En les lisant, on entend presque le bruit de la pellicule qui saute dans le projecteur. Malheureusement, il est difficile d’abréger toute la complexité d’une vie dans un intertitre et souvent l’histoire paraît un peu succincte. D’autant qu’en travaillant l’expressivité de ses images, Sulaiman mise parfois un peu trop sur l’esthétique au détriment de l’informatif. Comme on apprécie un tableau, on se balade dans Frans Masereel 25 moments de la vie de l’artiste, tantôt en accélérant le pas et tantôt s’attardant sur la beauté du paysage.