Titre : Fracassé
Auteur : Hanif Kureishi
Edition : Christian Bourgois Editeur
Date de parution : 02 janvier 2025
Genre du livre : Autobiographie
Et soudain, c’est le grand fracas, la fin d’un monde. À presque 70 ans, l’écrivain Hanif Kureishi, qui s’est fait mondialement connaître au milieu des année 1980 pour son scénario nommé aux oscars, My Beautiful Laundrette, fait une mauvaise chute, sa tête heurte le sol et il se retrouve paralysé. Il ne peut plus bouger les mains, ses jambes non plus. Fracassé est le récit d’une nouvelle vie qui démarre
Hanif Kureishi raconte cette vie en différents chapitres en fonction des hôpitaux qu’il parvient à quitter/rejoindre suite à l’évolution de sa santé physique. Ayant fait une mauvaise chute à Rome, devenu tétraplégique, c’est là-bas qu’il est d’abord soigné avant de rejoindre Londres. Ses mains étant paralysées, son cerveau toujours bien à l’affut, c’est durant ses nuits agitées ou d’insomnie, dans un premier temps, qu’il réfléchit à ses futurs écrits qu’il dictera durant la journée, ce qui est aujourd’hui publié dans Fracassé.
Fracassé n’est pas un livre où le style importe ou du moins, le travail du style n’est pas le souci premier de l’auteur. Il cherche à se confier et à partager la vie d’un homme très indépendant, passant beaucoup de temps seul, chez lui, à écrire, devenu soudain un être touché en permanence par toutes sortes de personnes, de passage ou non dans sa chambre. Il n’évite pas le trivial car le trivial n’est plus pour lui évitable : les doigts dans le cul, pour qu’il puisse faire caca, les sondes dans son pénis, sa toilette quotidienne, tout est dit, pour mieux décrire sa nouvelle vie, sans délires scatologiques. Kureishi décrit un mode de fonctionnement nouveau, en passe de devenir sa nouvelle vie, son nouveau quotidien, ses nouvelles habitudes.
Le livre se lit vit car Kureishi donne l’impression de parler, et c’est peut-être dû à l’aspect « dictée » du processus. Même si ce n’est pas du langage oral, les mots et les phrases sont simples, ce qui est raconté parfois anecdotique. Ainsi, il partage à la fois sa vie quotidienne dans son lit ou son fauteuil d’hôpital, l’horreur de sa situation d’handicapé à vie mais il parle aussi de sa famille, beaucoup de son père, d’origine indienne, de sa vie avec ses trois enfants, de sa compagne Isabella, avec qui sa relation est forcée de changer et évolue beaucoup, ses ami.e.s (avec un vrai questionnement sur l’amitié), des films qu’il aime. Ainsi, il écrit un paragraphe sur Breaking Bad et sa série dérivée, Better Call Saul, en faisant (de bons droits) leurs louanges, rappelant un côté « partage sur les réseaux sociaux » de ce type d’écriture.
Il est intéressant qu’il partage aussi ses visions de l’art, de l’écriture, dont il sent d’autant plus l’intérêt maintenant qu’il est cloué au lit ou dans un fauteuil. Plus que jamais, il veut écrire, lui qui a écrit une dizaine de romans et qui est également professeur. Il ne cache pas non plus son processus d’écriture, qui est une dictée. Ainsi, il précise que Isabella n’est pas d’accord avec ce qu’il vient de dire, ou que ce n’est pas elle qui tape quand il parle de sexe. Il a une réflexion intelligente également sur la sexualité, lui qui a été guidé par elle durant toute sa vie et qui, ayant perdu tout stimuli sexuel, ne ressent aucune perte ou gêne et se demande même combien de temps il a bien pu passer dans sa vie avec son sexe comme seul maitre à bord.
Fracassé est donc un livre à partager pour cette expérience incroyablement éprouvante, terrible, d’un homme qui perd du jour au lendemain quasiment toutes ses facultés physiques et qui continue pour autant à vivre, à travers cet handicap lourd, via l’écriture, sa famille et les gens qui le soutiennent, amies de longue date ou copains de chambrées (d’hôpital).