Ursula Schulz-Dornburg est une photographe allemande née en 1938 (Berlin) qui vit et travaille actuellement à Düsseldorf. Elle a étudié à l’Institut für Bildjournalismus de Munich de 1959 à 1961. À plusieurs reprises au cours de sa carrière, son travail a été récompensé : par le prix AIMIA/AGO en 2016 et le prix Aperture Foundation du meilleur catalogue de photographie de l’année pour « Land In-Between » en 2018. Elle expose à l’international, notamment au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à l’Art Institute of Chicago, au Museum Ludwig de Cologne, à la Tate Modern de Londres et dans encore bien d’autres lieux. Au tour de la Fondation A Stichting de présenter son travail autour de neuf séries offrant une belle retrospective du travail de l’artiste.
L’humain au coeur de la nature ; l’architecture au coeur de la nature.
Sur les neuf séries exposées, nous rencontrons peu de personne au sein du décor. Si quelques femmes attendent le bus dans la série « Transit Sites, Armenia » (1997-2011), quelques poissonniers occupent les bords de route dans la série « Lake Sevan » (2008), les photographies d’Ursula Schulz-Dornburg se concentrent sur l’humain sans pour autant en faire un élément central de son oeuvre. Elle poursuit le moindre signe de vie qu’il laisse dans la nature, généralement par l’architecture, que le temps s’occupe bien de conserver.
L’apparition de quelques visages ne fait en sorte que tromper l’idée d’un no man’s land qui se dégage de la nature désertée. L’itinéraire de Schulz-Dornburg nous offre un voyage documenté et contrasté par les cultures ou les époques, dont les événements marquent l’espace. Absurde ou spectaculaire, le design des stations arméniennes qui semblent perdues au milieu de nulle part témoignent des idéologies modernes de l’Union Soviétique. La série « From Medina to Jordan border » (2002-2003) dévoile les marques du temps laissées dans la roche uniformément grise marquées pourtant par le passage de plusieurs vies. Grâce à l’interview imprimée et mise à disposition du public à l’entrée de la Fondation A, la voie de Schulz-Dornburg nous accompagne et nous explique clairement ses intentions de capturer quelque chose du temps dans l’espace.
JH : Votre observation des vestiges de la voie ferrée est-elle peut-être liée à un sentiment de futilité, à l’idée que « le désert gagne toujours » ?
USD : Non, pas du tout. Même si les choses disparaissent peu à peu dans le sable – il y aura toujours des dégradations, des destructions et des guerres – des traces subsistent, que nous pouvons activer par nos observations. Même s’il est vrai que certaines traces du passé sont à peine perceptibles et certainement pas déchiffrables.
(Extrait du guide de salle, The Verticals of Time : extraits de conversation entre Ursula Schulz-Dornburg et Julien Heynen en décembre 2017 et janvier 2018)
L’horizon au 3/4 pour dire l’Histoire
Niemandslicht veut dire « la lumière de personne ». Ce mot nous décrit d’une part la relation entre le temps, la lumière et l’espace, d’autre part nous explique la réalité des ombres comme l’absence déterminante d’une image. Malgré la diversité des points de vue de la photographe, qui pose son regard à des endroits différents, à des moments différents, la grande cohésion qui réside derrière ses clichés nous offre un voyage unique. Le travail des matières inertes, telles que le sable ou la roche, pourtant maniées par quelque chose ou quelqu’un, laissent toujours cours à l’interprétation. La nature dans les yeux de Schulz-Dornburg devient inévitablement histoire et géographie. Il n’y a pas d’hasard dans la disposition des objets métalliques de la série « Kronstadt, Russia » (2002), ni même dans les ruines de Syrie (« Vanished Landscapes, Palmyra, Syria », 2005-2010) où « il s’est passé tant de choses dans cette région au cours des siècles », comme l’explique Ursula Schulz-Dornburg à Julien Heynen. De grandes histoires se cachent derrière la sobriété des images en noir et blanc, la plupart du temps répondant aux codes des photographes de Düsseldorf. L’objectivité comme ligne du mouvement, l’esthétique droite et centrée qui est répétée méticuleusement par Schulz-Dornburg crée un voyage agréable.
Une certaine harmonie tisse les séries entre elles grâce aux motivations de l’artiste de suivre une démarche similaire par rapport à son travail. Le coté documentaire relève d’une sensibilité à explorer des terres inaccessibles pour la plupart et donc facilement oubliées, pourtant riches d’histoires ou de lieux que nous connaissons certainement. Venir découvrir le travail d’Ursula Schulz-Dornburg c’est d’abord enfiler des botes des sept lieux, ensuite rentrer dans un univers esthétique hautement recherché, un univers qui plaira autant aux initiés de la photographies qu’aux habitués.
- Ou? Fondation A Stichting, 304 Avenue Van Volxem, 1190 Bruxelles
- Quand? Du 21 septembre au 17 décembre, le jeudi et vendredi de 13h à 18h et le samedi et dimanche de 11h à 18h
- Combien? 7€, différents tarifs réduits possibles