Le festival XS, qui s’est déroulé du 23 au 25 mars 2017 au théâtre national de Bruxelles, offre une diversité de spectacles vivants : 22 spectacles courts synchronisés dont 11 créations, et 3 spectacles gratuits à la place de la Bourse. Chacun des artistes, provenant de différents horizons et disciplines (théâtre, cirque, danse, gymnastique…), parvient à nous transposer dans son monde hypnotisant. Les spectateurs, avides de tout dévorer et désireux de ne rien laisser leur échapper, se précipitent d’une salle à une autre, s’abandonnant à l’ivresse spectaculaire. L’évasion hors de la réalité, l’oubli du cadre spatio-temporel qui définit le moment, tels sont les effets de cette euphorie, doublée par des sensations, parfois de choc, d’autres fois d’enjouement. Un des grands thèmes de ce festival est le corps, vecteur commun à plusieurs de ces spectacles vivants (au moins auxquels nous avons assisté) : se libérer et laisser ses émotions s’exprimer par son corps ; le contrôler pour une fois, lui qui les étouffe toujours.
Se tenir là, sur le plateau, cloué, et se nourrir des sons extérieurs, afin de les concrétiser par des mouvements sensuels défiant la nature du corps humain. Tel est le cas d’Alban, un spectacle de danse par Cie Mossoux-Bonté, de 12 minutes : un homme, au milieu de la scène, torse nu, ne portant qu’un jupon qui flotte harmonieusement en accord avec ses mouvements. Il s’agit d’un combat, d’un échange féroce entre le corps de ce danseur et la musique qui le pénètre : tantôt mélancolique, elle communique avec ses pulsions de mort ; tantôt paisible et enjouée, elle stimule ses pulsions de vie. Le tout s’exprime par des balancements fabuleux du ventre.
Ce critère de l’extraordinaire se trouve également dans d’autres présentations. Le Corps (15 minutes), par Clément Debailleul & Raphaël Navarro, porte en lui plusieurs formes de magie : le jeu de la pianiste accompagne la voix surhumaine du vocaliste, qui nous rappelle le chant des sirènes ; et le tout est couronné par une danse qui nous fait perdre haleine. Enivrée de la musique jouée, une femme défie les lois de la gravité et s’envole dans l’espace. Chuter en hyper ralenti, entrer en état d’apesanteur, cette souplesse invite le spectateur à ne plus chercher à expliquer ce phénomène et à s’abandonner à la suspension du temps.
Maitriser son corps devient plus difficile quand il faut être en symbiose avec un autre. Mono Duos, danse expressive de 20 minutes organisée par Thomas Hauert, s’étale entre le rez-de-chaussée et le premier étage, en passant par les escaliers. Exprimée par plusieurs couples de danseurs, il s’agit de la fusion de deux corps en un seul, fusion à la fois cinétique, chromatique et sentimentale. Une nouvelle forme, un nouveau corps, prend naissance de cette union. Chacun des spectateurs, casque sur les oreilles, distingue en ces mouvements unis une signification personnelle, dépendante de son choix de musique : ainsi, la danse d’un même couple peut être perçue différemment.
La dimension de la douleur est plus explicite dans Persona, un spectacle de cirque de 20 minutes présenté par Naga Collective, qui met en scène quatre femmes en quête de réconciliation — avec leur corps d’une part, et entre elles-mêmes d’autre part. Avec un simple décor, formé principalement de cordes et de cannes d’équilibre, des corps s’isolent, se tordent, sont sujets de tourments insupportables. Ils souffrent, chacun à sa manière, et s’expriment par des mouvements acrobatiques risqués : se courber le dos, se tenir à l’envers accroché à une corde, être trainé par quelqu’un sur tout le plateau, s’abattre constamment puis se relever… Cette douleur continue jusqu’au moment où les quatre corps apprennent à se connecter, à s’unir, à fusionner.
Ces quatre représentations scéniques, celles que nous avons préférées, ne sont qu’un échantillon du potentiel du festival : les autres ne sont pas de moindre qualité, notamment La ville des zizis d’Eline Schumacher et Codebreaker de Vladimir Steyaert qui ont retenu notre attention. Malgré le plaisir que nous prenons en assistant aux divers spectacles du festival XS, ils restent d’une durée très courte : le temps file sans s’en rendre compte et le spectateur reste sur sa faim, se désolant que le spectacle soit déjà fini.