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    Festival XS au Théâtre National

    Du 26 au 28 mars 2015 au Théâtre National

    Photo: © Christophe Raynaud de Lage

    XS revient au Théâtre National, et cette cinquième édition est un très bon cru. Le festival consacré aux formats « extra small » est une belle occasion de découvrir des artistes émergents et de voir les plus aguerris se frotter à des formes courtes, souvent hybrides ou expérimentales, de dix à vingt-cinq minutes. Les curieux n’ont qu’à se réjouir : XS navigue entre la danse, le théâtre, la performance, le cirque, la marionnette… et les trucs bricolés, inclassables ou complètement givrés. Bref, c’est convivial, étonnant, rigolo, et si on s’ennuie, on sait que le supplice ne vas pas durer : que demander de plus ?

    Dix ou vingt minutes, c’est parfois ce qu’il faut pour prendre le temps de regarder le temps qui passe. Avec l’installation vidéo Still too sad to tell you, judicieusement présentée au sous-sol du théâtre, Anne-Cécile Vandalem nous montre en gros plan, sur une dizaine d’écrans, des visages qui, petit à petit, s’embuent de larmes. Sur la douce musique de Pierre Kissling, l’empathie pour ces inconnus se creuse en nous : on voudrait les consoler, les apaiser, pleurer avec eux dont on sait rien, si ce n’est ce que leur douleur apparente nous permet d’imaginer. C’est touchant, beau et très humain.

    Le temps qui passe, tout simplement : Soleil couchant s’arrête sur les derniers moments d’un vieil homme, qui attend, tapi dans son château de sable, que les vagues viennent l’ensevelir. L’an dernier, on s’était déjà régalé avec la compagnie de marionnettes Tof Théâtre et son très énergique Dans l’atelier. Soleil Couchant joue davantage sur l’émotion et s’amuse des liens de bienveillance et de tendresse qui unissent le marionnettiste et sa créature. Malgré quelques lenteurs, on reste fasciné par l’expressivité et la richesse du théâtre de marionnettes contemporain, par le sens de l’observation d’Alain Moreau et sa sensibilité.

    Changement de rythme avec La Course, premier projet du collectif Une Tribu, qui nous emmène sur les traces des fans d’Eddy Barzoune, champion de course imaginaire et héros local. Il manque un fil rouge à ce récit un peu maladroit, mais La Course vaut le coup pour son expérimentation technique des plus insolites : une machine à coudre construit sous nos yeux un paysage traversé par deux minuscules cyclistes…

    On peut aussi rattacher au théâtre d’objets le très étrange Manger des épinards c’est bien, conduire une voiture c’est mieux d’Eline Schumacher. Mais peut-on vraiment classer cet ovni ? Dans Manger des épinards, des doigts qui planent au-dessus d’un mini-théâtre évoquent un film de super-héros cheap, des chansons rétro nous ramènent aux années quatre-vingt, de petits instantanés oscillent entre les images du quotidien et le bizarre-effroyable. Le goût du rêve et l’enfance perdue, la vie adulte et la vie de couple, à la fois rassurantes et aliénantes : c’est un peu tout cela qu’aborde Manger des épinards avec un ton, une densité et un sens esthétique aussi singuliers qu’enthousiasmants.

    On retombe sur nos pieds avec La Convivialité, qui tente le pari risqué de nous parler d’orthographe  en misant sur la convivialité, dans un bureau du sixième étage transformé en salon cosy. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, tous deux enseignants, jettent un regard critique sur l’orthographe et son potentiel discriminatoire et nous font découvrir les petites histoires à l’origine de sa complexité défiant souvent toute logique. Cette création, à la fois érudite et imaginative, évite le piège du discours scolaire, pédant ou ennuyeux. Vous pensiez n’avoir que faire de l’histoire de l’accord du participe passé ? Osez La Convivialité, et changez d’avis !

    Après l’orthographe, la géométrie : avec Hérétiques, la chorégraphe Ayelen Parolin explore le motif du triangle. Deux danseurs se lancent dans une sorte de rituel extrêmement maîtrisé, où les mouvements mécaniques de leurs bras sondent dans toutes les directions, jusqu’à l’obsession, la forme triangulaire. Si on rentre dans le rythme de cette méditation abstraite, on est captivé pendant vingt-cinq minutes.

    La forme, encore : Vincent Glowinski, plus connu sous le nom de Bonom, mêle dans Human Brush son goût du street-art et son expérience de danseur. Les bras enduits d’une matière blanche, il est filmé en plongée par une caméra qui reproduit sur un écran la forme de ses mouvements. Le corps devient la brosse de dessins éphémères, souvent inspirés du monde naturel, dont la précision est saisissante. L’esthétisation est parfois même poussée un peu trop loin, mais cette performance hybride, presque magique, nous frappe par sa beauté et ne ressemble à rien de connu.

    C’est ça, le XS : se lancer dans des aventures inhabituelles, prendre un (bref) risque et, peut-être, ne plus jamais regarder un triangle ou un participe passé de la même manière.

    Emilie Garcia Guillen
    Emilie Garcia Guillen
    Journaliste du Suricate Magazine

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