La Belle Vie
de Marion Gervais
Documentaire
Ils ont entre 12 et 15 ans, ils s’appellent Petit Pierre, Louis, Liam, Orso, Enzo, Ben et Glen. A eux tous, ils forment un groupe fort, une team soudée. Marie Gervais les connait depuis toujours, elle les a vu grandir. Pour son deuxième documentaire, elle a infiltré le cercle très fermé de ces pré-adolescents ou elle sera, pendant près d’un an, la seule adulte tolérée et même intégrée.
Chacun ne dispose que de quelques années avant que n’apparaissent les prémices de ce qu’ils seront probablement à tout jamais. Comment se construire au détour d’un père absent, d’un échec scolaire ou d’une passion, comment se situer dans la normalité ; La Belle Vie n’est pas là pour apporter un quelconque élément de réponse, mais pour saisir ces brefs instants de la construction d’un soi.
Se plaçant comme une confidente, la réalisatrice crée des bulles de réflexion ou, tour à tour, chacun s’exprime sur son ressenti du monde des adultes par bribes de mots. Les garçons sont timides, les regards fuyants, mais chacun se prêtent au jeu de l’interrogatoire ; pour autant, le fil conducteur reste difficile à saisir. Les interviews qui ponctuent la production ne font pas totalement sens en termes de contenu, en comparaison de la richesse d’une conversation capturée par une caméra qui semble ne jamais s’arrêter de tourner. Tout se mélange, se confond et s’entrecroise ; la thématique du père revient régulièrement et se mêle à d’autres réflexions dans la nébuleuse d’une vie qui n’est finalement pas toujours perçue si belle.
« J’ai pas envie de grandir, j’ai envie de rester comme ça »
Ce sont les Kids (Larry Clark, 1995) d’un autre continent, d’un autre paysage mais la perception reste la même. Submergés par réminiscence de la candeur avec laquelle une situation peut-être perçue à cet âge là, ces pré-adolescents mettent à mal la très célèbre « tu comprendras quand tu seras grand ». Si l’un veut être grand pour se sentir libre et l’autre ne plus jamais grandir car le présent frôle le parfait, c’est parce que, contrairement à ce que l’adulte peut croire, les clés de compréhension sont là, elles n’utilisent juste pas les mêmes codes.
Loin de l’étude sociologique, la caméra de Marion Gervais est emplie de tendresse et la réciprocité du sentiment transpire à l’image. La Belle Vie, tout en considérant l’être, dresse le portrait d’un groupe de copains qui évoluera bientôt en amis d’enfance. Parce que la jeunesse c’est peut être ça, ne pas encore se considérer en tant qu’individu, mais se révéler dans la collectivité.