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    Festival Bruxelles Babel 2014

    Dans le cadre du Festival Bruxelles Babel qui se déroulera les 18 et 19 avril prochains, nous sommes partis à la rencontre des deux hommes forts de l’Asbl Tremplin, le directeur Nacer-Eddine Nafti et le président Jean-Yves Kitantou. Leur objectif numéro un : sensibiliser la jeunesse bruxelloise à la culture sous toutes ses formes.

    Pouvez-vous nous expliquer la genèse du Festival Babel ?

    Nacer Nafti : Le festival a été créé en 1985, sous le couvert de la Cocof, suite à la constatation du manque d’heures de cours artistiques dans les écoles. Début des années 80, les heures de cours artistiques ont commencé à diminuer. À cette époque, les enfants issus de milieux moins favorisés n’avaient pas la possibilité de suivre des cours artistiques en extra-scolaire. Voilà l’élément déclencheur de la création de ce festival qui va leur permettre de s’exprimer à travers différentes disciplines, comme par exemple le théâtre, le chant, la danse, etc.

    Au départ, cela s’appelait Bruxelles Babel 2000, dans la perspective de l’an 2000, dans cette Tour de Babel multi-ethnique.

    De 1985 à 1989, plusieurs éditions ont vu le jour jusqu’à la création de l’Asbl Tremplins, en 1989, pour organiser et gérer le festival. Des postes permanents ont alors été créés.

    En quoi consiste le festival en lui-même ?

    N.N. : Plusieurs formes ont été testées. Au départ, il s’agissait de petits spectacles organisés dans le cadre associatif où chaque association présentait ce qu’elle voulait. Tout cela dans une dynamique de questionnement sur le devenir des jeunes à l’aube de l’an 2000.

    Après l’an 2000, la méthode s’est transformée. Tous les ateliers ont travaillé autour d’un thème commun pour arriver à un unique et grand spectacle qui est présenté lors du festival. Cette forme de représentation a eu des moments très euphoriques sur quatre éditions puis cela est devenu difficile car les jeunes étaient de plus en plus sollicités et donc moins disponibles. Avoir tous les jeunes en même temps était devenu difficile et, dès lors, nous avons abandonné l’idée d’une fusion totale, d’un grand spectacle global.

    Depuis 2011, nous sommes revenus à la formule antérieure, avec des petits spectacles. Et ce lors de trois éditions. L’an dernier, il y a eu une telle quantité de spectacles que nous n’avions d’autre choix que de repenser à la fusion mais cette fois, en trois blocs. Dans chaque bloc, tous les arts sont représentés sans être compartimentés. Chaque bloc est, par contre, autonome.

    Quelle est la thématique de cette année ?

    La thématique cette année est Nos histoires dans l’Histoire. À partir de là, nous avons défini trois blocs dont un centré sur la famille patriarcale, un centré sur le jeune qui sort de ce cocon familial et le troisième centré sur la notion d’aimer, l’art d’aimer. Ce troisième bloc a été inspiré par Nelson Mandela.

    Quel âge ont les jeunes qui participent à ce festival  ?

    N.N. : La moyenne se situe entre 12 et 17 ans.

    Comment les recrutez-vous ? Allez-vous dans les écoles pour présenter le projet ?

    N.N. : Nous avons un réseau associatif avec lequel nous travaillons dans les 19 communes bruxelloises. Toucher toutes les communes est important pour nous. Travailler uniquement sur Schaerbeek ou Anderlecht n’est pas notre but, nous essayons de travailler avec tous les quartiers favorisés ou défavorisés. C’est l’essence même de ce festival. Nous allons les chercher dans leurs associations, on met en place un partenariat et on conventionne le tout. On met à leur disposition un intervenant artistique que ce soit au niveau du théâtre, de la danse, du chant,…

    Comment trouvez-vous ces intervenants ?

    N.N. : Il s’agit d’artistes qui ont posé leur candidature et qui ont été choisis sur base de leur profil mais aussi de leur ouverture quant à ce genre de travail, sachant qu’ils sont amenés à travailler avec un public pas toujours facile et qui n’est pas sensibilisé à la culture dans sa globalité.

    Quand on présente notre projet aux jeunes, on leur présente la thématique choisie, on leur attribue un intervenant artistique et on définit les heures des ateliers.

    Nous travaillons actuellement avec une quinzaine d’associations ou établissements scolaires. On demande aux associations d’avoir une attention particulière à ce projet, il ne faut pas qu’elles mettent ce projet dans la même case que leur programmation d’activités. Beaucoup d’associations ont eu des difficultés avec ce principe et il a fallu un peu recadrer les choses au départ.

    Avec combien de jeunes travaillez-vous chaque année ?

    N.N. : L’an dernier, nous avions 250 jeunes à peu près et cette année, nous nous attendons à un chiffre similaire.

    Où allez-vous présenter ces trois spectacles ?

    N.N. : Au Théâtre Marni, à Ixelles.

    Sur plusieurs dates ?

    Jean-Yves Kitantou : Cela se déroulera sur un week-end, et le soir il y aura une activité festive pour les jeunes qui y ont participé.

    Faites-vous une tournée des écoles avec ces spectacles ?

    J-Y. K. : Avec les spectacles, non. L’Asbl ne tourne qu’autour du festival. Avec le temps, nous aimerions que certains festivals puissent se reproduire dans certaines écoles mais il s’agit encore uniquement d’une idée, d’un projet. Mais notre priorité actuelle est vraiment de relancer le festival Bruxelles Babel, qu’il retrouve de sa superbe. Cela passe par la qualité du spectacle mais aussi par notre capacité à toucher ce nouveau public, à se ré-approprier cette nouvelle génération des 15-35 ans. Bruxelles Babel est très connu de la génération de nos parents mais très peu de celle des jeunes actuels.

    Que proposez-vous comme genre de danses ? Ou comme chansons ?

    N.N. : L’art urbain est mis en avant. Nous travaillons d’ailleurs depuis l’an dernier avec un nouveau chorégraphe.

    J-Y. K. : Nous privilégions la rencontre des cultures. À Bruxelles, il y a une multitude de cultures, d’histoires. Personne n’a la même histoire que quelqu’un d’autre, et c’est ça qui est beau. Le premier objectif de ce festival est la rencontre de ces différentes histoires, de ces différentes cultures.

    Est-ce que les jeunes qui participent à ces ateliers poursuivent dans une voie culturelle par la suite ?

    J-Y. K. : Tous ceux qui passent ne deviennent pas des artistes professionnels mais ils découvrent tous la culture et se rendent compte que devenir artiste n’est pas quelque chose de simple, qu’il faut du travail et de l’investissement pour arriver à ce métier. C’est l’une des valeurs que nous tentons de faire passer à travers ce festival.

    N.N. : Néanmoins, certains persévèrent et deviennent connus par la suite.

    J-Y. K. : Effectivement, une des fierté du festival est aussi de faire naître des vocations. Le plus important est de faire en sorte que tout jeune qui passe par là acquiert un autre regard sur la culture et sur ce que cela implique. Un jeune qui se rend compte de tout le travail que cela demande respectera le monde la culture.

    Combien de temps est nécessaire à la création d’un tel festival?

    J-Y. K. : La mise en place commence en septembre et le travail dure jusqu’au festival. Il s’agit d’une construction qui se fait avec les intervenants artistiques, avec les partenaires, avec l’équipe. Il s’agit d’un produit collectif.

    N.N. : Réunir les associations, les informer, trouver le thème, ouvrir les ateliers, choisir le support, trouver les intervenants artistiques,… Notre rôle n’est pas seulement celui d’un organisateur, nous organisons le festival certes, mais nous le construisons à proprement parler. On crée le produit.

    C’est un travail sur le fond et la forme si je comprends bien ?

    J-Y. K. : Il y a tout un univers autour de Tremplins, de Bruxelles Babel et c’est ce qui donne du sens à ce projet. Il ne s’agit pas de quelque chose de commercial avec trois têtes d’affiche pour remplir la salle mais il ne s’agit pas d’amateurisme pur non plus. Il s’agit d’un projet participatif où chaque intervenant apporte sa pierre à l’édifice.

    N.N. : Nous accueillons également des stagiaires en éducation spécialisée, en communication, écriture multimédia et relation publique.

    Les éducateurs spécialisés sont dans les ateliers et donc en immersion totale au niveau associatif. Ils travaillent avec l’association mais aussi en relation direct avec les jeunes à travers les ateliers et ils vont pouvoir juger de leur évolution au fil des mois.

    Propos recueillis par Matthieu Matthys

    Matthieu Matthys
    Matthieu Matthys
    Directeur de publication - responsable cinéma du Suricate Magazine.

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