De Molière, mise en scène de Frédéric Dussenne, avec Maxime Anselin, France Bastoen, Lara Ceulemans, Salomé Crickx, Dominique Rongvaux, Stéphane Ledune, Sylvie Perederejew, Hélène Theunissen, Laurent Tisseyre, Benoît Van Dorslaer
Du 15 janvier au 26 janvier 2019 au Théâtre des Martyrs
Pour démarrer sa nouvelle saison, le théâtre des Martyrs a choisi une pièce tardive et désenchantée de Molière : Les Femmes savantes. Mis au goût du jour par Frédéric Dussenne, ce grand classique de la littérature française au comique subtil met en scène une impitoyable guerre des sexes au sein d’une famille. Chimères et stratagèmes se succèdent allègrement avant que ne tombent les masques.
Deux sœurs, Armande et Henriette, se querellent au sujet d’un jeune homme, Clitandre. Celui-ci s’est d’abord épris de la sœur aînée, cérébrale, avant de jeter son dévolu sur la cadette, plus frivole et charnelle, et de la demander en mariage. S’il reçoit l’assentiment du père Chrysale qui voit d’un bon œil cette union, il n’en va pas de même pour la mère qui a déjà trouvé un prétendant à son goût pour sa fille en la figure de Trissotin, pseudo poète érudit qui la fascine par ses mots d’esprit.
Cette pièce en cinq actes, écrite en alexandrins, est tout autant une critique sociale féroce sur l’éducation des filles que sur les faux semblants des « sachants » et autres experts. En effet, l’histoire fait la part belle aux femmes qui se piquent de fréquenter les beaux esprits, qui croient s’élever alors qu’elles s’abaissent à suivre aveuglément des prétentieux qui font illusion au mépris de la raison et du coeur. Mais cette comédie de Molière nous emporte aussi dans un galimatias où la langue n’est pas non plus en reste. La scène où Martine, la femme d’ouvrage, écorche les oreilles de la maîtresse de maison avec son (franc) parler nous renvoie à la place de la grammaire et de ses bons usages dans la société ; elle nous rappelle que bien parler permet de dominer, d’être proche du pouvoir à l’instar des conseillers et des experts de tout poil.
Pour cette relecture de l’œuvre de Molière, Frédéric Dussenne a opté pour une mise en scène très épurée aux contours contemporains. Les décors et les costumes, d’une simplicité intemporelle, sans artifices, s’effacent derrière le texte et les acteurs. L’entrée et la sortie des comédiens s’opèrent par une porte avec une fenêtre qui apporte à l’ensemble quelques situations cocasses. Hormis quelques vers chantés par deux comédiens, il n’y a pas d’habillage sonore. Le jeu régulièrement frontal des personnages attise, quant à lui, la concentration et l’écoute.
Soutenue par une excellente distribution (le mari coulant, la femme toquée, la mère érudite, l’insolente femme de ménage, le faux savant pour ne citer qu’eux), cette pièce moliéresque demeure toujours d’actualité car elle met l’accent sur les impostures qui obstruent notre bonne gouvernance. Face à la montée des sectarismes et l’ascension de certains esprits étroits, on peut la voir comme une joyeuse célébration du penser par soi-même.