Félix et Meira
de Maxime Giroux
Drame, Romance
Avec Hadas Yaron, Martin Dubreuil, Luzer Twersky, Anne-Elisabeth Bossé, Benoît Girard
Sorti le 11 mars 2015
Distingué au Festival International du Film de Toronto, la dernière œuvre de Maxime Giroux raconte l’amour impossible de Félix et Meira et nous fait découvrir le monde souvent méconnu des juifs hassidiques.
Québécois francophone, Félix est un adulescent sans projet, ne sachant que faire de sa liberté. Jeune femme éprise d’indépendance et de changement, Meira se meurt à petit feu dans sa communauté juive. Rien ne les prédestinait à se rencontrer ni à s’aimer. Et pourtant, un jour, dans un commerce du Mile-End à Montréal…
Maxime Giroux (Jo pour Jonathan ; Les Jours) s’est lancé dans son troisième film par curiosité pour son voisinage. Installé dans le Mile-End, un quartier montréalais connu pour ses hipsters et sa communauté juive, Giroux a voulu dépasser la simple coexistence et entrer en contact avec les juifs Satmars, une communauté religieuse très fermée. Au fur et à mesure de ses rencontres, il a laissé évoluer son point de vue, sans se dérober à ses paradoxes.
Giroux réussit à transmettre cela. Dans une approche humaniste, il nous fait comprendre le malheur de Meira, confinée dans un environnement plein de sollicitude mais brimant sa vraie nature et ses élans. Ce personnage, à la fois réservé et effronté, est interprété tout en finesse par l’Israélienne Hadas Yaron. Shulem, son époux, est un personnage dont les nuances apparaissent au fur et à mesure de l’histoire. Il est incarné par Luzer Twersky dont l’aide a été déterminante puisqu’il a traduit les dialogues du film en yiddish, une des trois langues du film au côté du français et de l’anglais. Mais surtout, ce New-Yorkais connait la position de Meira : à l’âge de 22 ans, il a lui-même quitté la communauté hassidique dans laquelle il vivait depuis son enfance. Un changement radical dont l’ampleur échappe à beaucoup, comme l’explique Giroux. « Au départ, on avait écrit quelque chose de plus comique, un peu loufoque. Mais en discutant avec les acteurs on s’est aperçus que c’était une posture intenable. Quitter une communauté juive hassidique est une grosse décision, irrévocable et courageuse. On en sort sans éducation, sans argent, sans amis, complètement laissé à soi-même. Sans compter qu’une vie vécue dans la religion depuis l’enfance, ça ne s’efface pas du jour au lendemain. Ça prend une force incroyable, ça prend du courage, un peu de folie. » Quant à Félix, c’est l’inverse, il évolue dans un monde sans repères au sein duquel la mort de son père le désoriente un peu plus. Martin Dubreuil prête ses traits à cet homme dont l’assurance désinvolte révèle une profonde solitude existentielle.
Sacré meilleur film Canadien à Toronto en 2014 devant Mommy de Dolan et Maps to the stars de Cronenberg, Félix et Meira a malgré tout ses limites. La rencontre des deux protagonistes se donne des airs de hasard, mais est en réalité trop nécessaire à l’histoire pour être aussi improbable qu’on veut nous le faire croire. Heureusement, la relation est assez bien construite pour que ce début en demi-teinte finisse par disparaître. Par la suite, le film évolue dans une atmosphère sobre et empreinte d’un spleen moderne musicalement illustré par le titre After laughter de Wendy Rene. Mais cet univers posé et observateur prend parfois dangereusement la forme du film d’auteur mollasson.
Il est pourtant ce qui permet à Giroux d’éviter un happy end ventriloquant la formule « et ils vécurent heureux pour toujours ». Comme le réalisateur le dit lui-même : « Ce n’est pas une histoire d’amour avec un grand A, mais un amour circonstanciel pour franchir un nouveau cap dans sa vie ». C’est l’histoire tendre et initiatique de Félix et Meira.