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    Fais gaffe à La Gaffe, la première adaptation de Gaston au cinéma !

    Fais gaffe à La Gaffe

    de Paul Boujenah

    Comédie

    Avec Roger Mirmont, Marie-Anne Chazel, Daniel Prévost

    Sorti le 1er avril 1981

    Alors qu’une adaptation cinématographique des aventures de Gaston Lagaffe pour l’automne 2018 vient d’être annoncée, le Suricate tenait à rappeler à ses lecteurs une chose peu connue du grand public : le héros imaginé par André Franquin en 1957 a déjà eu droit à une première portée à l’écran !

    En effet, en 1981, Gaston Lagaffe passait déjà du Neuvième au Septième art. Cependant, André Franquin étant opposé à cette adaptation, celle-ci fut parasitée par des problèmes de droits d’auteur et tomba dans les méandres, jusqu’à en devenir quasiment introuvable. Le célèbre créateur du roi de la gaffe s’exprima d’ailleurs dans les années 1990 au sujet de ce projet : « Je n’ai pas participé à la préparation du film. Nous étions d’ailleurs dans une situation fausse : je ne voulais pas qu’on adapte Gaston, je voulais bien qu’on adapte les gags, mais pas le personnage. Mais les producteurs avaient tout intérêt à rappeler le personnage. Ils s’en sont rapprochés autant qu’ils ont pu. D’ailleurs l’affiche y faisait référence (le pull vert, le titre…). Enfin, j’avais beaucoup de sympathie pour cette jeune équipe, mais je ne me suis jamais excité pour le film. J’avais mis un veto pour les noms, mais tout le reste s’y trouvait plus ou moins, ils s’en étaient fort rapprochés, et je le regrettais… mais tout cela est sans importance. Le maquillage le plus savant ne peut faire accepter qu’un acteur soit vraisemblable en caricature. Et d’un autre côté, le comique est au cinéma un des genres les plus difficiles qui soient… On ne peut pas dire que le résultat fut bon… Mais il y avait une certaine qualité d’enthousiasme qui se sentait » (D’après Numa Sadoul, André Franquin, Et Franquin créa Lagaffe, Paris, Dargaud, 1997.)

    Portée par Paul Boujenah qui signait alors sa première réalisation, cette adaptation offrait la vedette à Roger Mirmont, acteur encore peu connu qui venait de divorcer de Patti d’Arbanville (My Lady d’Arbanville de Cat Stevens, c’est elle !).

    Si le réalisateur du long métrage était alors inconnu en comparaison de son frère Michel, le dialoguiste l’était moins. En effet, la coadaptation et les dialogues de cette portée à l’écran des aventures de Gaston Lagaffe était signée Francis Lax, célèbre doubleur de Han Solo, Indiana Jones (dans Indiana Jones et le temple maudit), Magnum, Looping de l’Agence tous risques ou encore de tout un tas de Schtroumpfs dans la série animée des années 1980. Celui-ci prêta également ses traits à un agent de police dans ce « Fais gaffe à La Gaffe ! »

    Au casting, en plus de Roger Mirmont (Gaston Lagaffe, ici rebaptisé « G ! ») et de Francis Lax (l’agent de police et les voix off du supermarché), on retrouvait également Marie-Anne Chazel (Mademoiselle Jeanne, rebaptisée Pénélope), Daniel Prévost (Léon Prunelle, rebaptisé Prunus), François Maistre (Dupuis, rebaptisé Dumoulin) et Marco Perrin (Aimé De Mesmaeker, rebaptisé Mercantilos). Par contre, pas de Fantasio dans cette adaptation !

    Le réalisateur offrit également un bref caméo à son frère Michel Boujenah sous les traits d’un chauffeur de taxi.

    Au vu du casting et de l’enthousiasme de l’équipe – souligné par Franquin lui-même –, nous sommes en droit de nous demander comment ce film a pu sombrer dans l’oubli. Et bien la réponse est simple : cette adaptation est tout simplement mauvaise ! Les personnages sont bien là, fidèlement reproduits, la Fiat 509 de Gaston aussi, de même que le Gaffophone (ici renommé « Gaffinette ») mais rien n’y fait, cette transposition à l’écran est tout simplement désastreuse : chaque plaisanterie tombe à plat, massacrée par le jeu grotesque de certains acteurs. À ce titre, Daniel Prévost, d’ordinaire hilarant, joue ici horriblement mal et plombe chacune de ses apparitions à l’écran. Roger Mirmont, quant à lui, ne parvient pas à donner corps à son personnage et se contente d’errer dans le film en prononçant de temps à autre le célèbre « M’enfin » de Gaston sans réellement parvenir à convaincre le spectateur.

    Du point de vue de la réalisation, Paul Boujenah tente de reproduire l’esprit de la bande dessinée, sans comprendre que bande dessinée et cinéma sont deux médias différents qui bénéficient de codes bien propres. Dès lors, les plans fixes de Daniel Prévost avec de la fumée sortant des oreilles n’ont pas le même effet sur pellicule que dans les cases de Franquin, et le spectateur se trouve alors rapidement embarrassé par de telles scènes.

    Cependant, le problème est finalement le même pour la plupart des adaptations de bandes dessinées au cinéma, les réalisateurs ne parvenant la plupart du temps pas à donner naissance à une œuvre originale qui n’hésite pas à se détacher de son matériau de base. Cependant, compte tenu de l’année de réalisation de ce film, il nous faut admettre que nous étions alors au balbutiement de l’adaptation cinématographique des bandes dessinées et que Paul Boujenah fait figure de pionnier. Ce qui était tolérable en 1981 l’est alors nettement moins trente ans plus tard (en témoignent les adaptation de Ducobu ou Boule et Bill, pour ne citer que deux exemples).

    Étonnamment, « Fais gaffe à La Gaffe ! » n’est pas mauvais parce qu’il cherche maladroitement à adapter une œuvre préexistante sans disposer de la totalité des droits d’auteur, il est mauvais par essence. Quelque chose s’est produit dans le processus créatif, au point de donner naissance à un film sans la moindre saveur. Les personnages sont bien là, les inventions loufoques également, Gaston est bien un gaffeur invétéré, les acteurs cherchent à donner le meilleur d’eux-mêmes, mais rien n’y fait : le tout ne convainc pas. Toujours est-il que, les années passant, ce film a le mérite d’exister et de représenter une curiosité intéressante pour tout cinéphile amateur de bande dessinée.

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