Fahrenheit 11/9
de Michael Moore
Documentaire
Sorti le 10 octobre 2018
Le pseudo-documentaire commence bien en exposant les problèmes de la société américaine, et notamment la crise sanitaire de la ville de Flint au Michigan, d’où vient Michael Moore lui-même. En effet, les coûts d’approvisionnement en eau potable auprès du service des eaux et des égouts de Detroit, qui puise son eau au lac Huron, étant très élevés, les autorités de Flint décident de changer leur source d’approvisionnement d’eau en puisant à la rivière de la ville, en 2014. Dans l’attente qu’une meilleur alternative soit développée de manière effective, les citoyens se retrouvent alors confrontés à une eau sombre, trouble et mousseuse sortant des robinets de leurs maisons. Malgré les nombreuses protestations des habitants de Flint, et les réponses négationnistes des autorités quant au problème d’empoisonnement de leur eau « potable », les familles commencent à subir les conséquences des particules nocives, telles que le plomb, et des bactéries présentes dans l’eau qu’ils étaient censés continuer à utiliser pour boire et se laver. Ainsi, des personnes perdent les cheveux, ont des éruptions cutanées, tombent malades et certaines meurent.
En interrogeant des citoyens locaux et allant même jusqu’à prouver l’hypocrisie du gouverneur Snyder, et ensuite du président Obama, le réalisateur agence une série de scènes en maniant sarcasme et tragédie de manière très habile. Il présente ensuite différentes situations de crises sociales que les Etat-Unis ont traversées pour expliquer selon lui ce qui aurait amené Donald Trump au pouvoir. Cependant, l’objectivité du documentaire est mise à mal lorsque Michael Moore commence à mélanger les images en ne tenant plus compte du sens chronologique des faits, avec de rapides changements de scènes.
Bien sûr, ce que le film montre bien, c’est que ce ne sont pas les présidents qui gouvernent réellement les Etats-Unis, car ils sont soumis à des compromis, et leurs pouvoirs sont limités par les privilèges des lobbies et multinationales. Alors pourquoi passer une grosse partie du documentaire à comparer grossièrement Trump à Hitler, plutôt que de creuser plus loin au fond des problèmes de la politique et dénoncer qui tient les ficelles et qui bénéficie des désordres et tragédies de la société. Au lieu de cela, le réalisateur ne semble pas aller au fond de ses propos, l’enquête reste superficielle ; les extraits de discours sont coupés de leur contexte et forment un cadre confus auquel sont ajoutées beaucoup d’émotions renforcées par les effets sonores et musicaux. Tout cet amalgame d’ingrédients semble fait pour diriger la pensée du spectateur vers un jugement préconçu et une terreur de Trump et des temps à venir. Soit il s’agit d’un travail qui part d’une bonne intention mais qui manque nettement d’objectivité et de maturité, soit il s’agit d’un travail commandité et calculé pour influencer le regard et les sentiments du spectateur et le mener à croire ce qu’il faut croire.
Le principe de base aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, a toujours été de se battre pour « une bonne cause » en dépit des faits violents qui en découlent. M. Moore semble partir du même principe même si par la dérision, la moquerie et un peu l’ironie, il voudrait nous faire croire le contraire. De ce fait, non seulement il ne s’attaque pas au fond du problème en tant qu’enquêteur, mais il ne fait pas non plus attention à sa prise de position trop extrême, en tombant presque dans la caricature. Enfin, en passant d’une vision extrémiste à une autre tout aussi extrémiste l’on annule toute possibilité de discernement.