Il y a quatre ans de cela, Fabrice Eboué était de passage en Belgique avec son deuxième spectacle intitulé « Fabrice Eboué, levez-vous ! ». Un show humoristique de bonne facture qui avait ravi le public belge, curieux de découvrir qui se cachait derrière les succès des comédies Case Départ (1.746.405 entrées en France (2011)) et Le Crocodile du Botswanga (1.169.668 entrées en France (2014).
Depuis, l’intéressé s’était fait plus discret, tant sur scène que derrière la caméra. La conséquence probable d’une première paternité vécue dans l’intimité, mais aussi l’occasion pour le jeune quadragénaire de peaufiner son retour sur les planches. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Fabrice Eboué n’a en rien perdu de sa verve caustique en nous proposant « Plus rien à perdre », un regard cynique sur la société actuelle.
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En parcourant les avis des internautes et des journalistes sur votre spectacle, on lit que certaines personnes prennent particulièrement cher, en l’occurrence les veganes…
Effectivement, il y a un gros sketch sur ce sujet, car c’est aussi un gros phénomène de société. Et comme c’est un peu l’objectif de mes spectacles de traiter de l’actualité, j’ai pensé qu’il était intéressant d’aborder ce thème-là. Voilà, j’ai une petite cousine qui… qui en est, si on peut dire comme ça (rires)… et du coup, je me suis intéressé à la question, ce qui a donné ce sketch où je tourne un peu à la dérision toute cette philosophie.
On parle effectivement des veganes, mais vous vous attaquez à d’autres phénomènes comme les complotistes et autres…
Oui, c’est très large. Il y a beaucoup de comiques aujourd’hui et dès lors, on essaie d’être le plus original possible. Et pour être original, il faut d’abord parler de soi et de la société qui nous entoure directement. C’est pour cela que ma petite cousine m’a inspiré pour les veganes ; que la mère de mon enfant – qui est d’origine marocaine – m’a inspiré pour parler du rapport entre les différentes communautés ; et puis, il y a les complotistes que tout le monde peut voir sur les réseaux sociaux occupés à imaginer des complots partout, à refaire des versions du monde en vous expliquant que la terre est plate et plein d’autres délires. Je finis d’ailleurs le spectacle avec ça.
Si on vous dit que votre marque de fabrique, c’est l’auto-dérision. Est-ce correct ?
Oui, l’affiche parle d’elle-même. Je dis toujours que quand on a la prétention de pouvoir rire de tout, il faut commencer par soi. Et effectivement, c’est un spectacle où il n’y a pas de limite, où on rit absolument de tout. C’est comme cela que je suis dans la vie de tous les jours, j’aime quand on tourne les choses à la dérision. Je pense qu’il n’y a pas de sujet tabou. Je commence d’ailleurs à en avoir un peu marre de la société des sensibleries, où on ne peut plus rire de rien et où on a l’impression de pas pouvoir dire telle chose pour ne pas choquer telle personne… On a tous nos souffrances, on a tous nos blessures. Et rire, c’est prendre du recul.
Pour rebondir sur ce sujet, vous avez dernièrement accusé le politiquement correct qui règne à la télévision. Selon vous, on ne peut plus rire de tout à la télévision…
Non, parce qu’après il faut vendre du coca, et il faut le vendre au plus grand nombre. Donc, il ne faut froisser personne pour que tout le monde reste bien branché. L’avantage d’une scène, c’est qu’on peut y faire ce que l’on veut ! L’avantage des réseaux sociaux, c’est pareil, il n’y a personne pour dire : « c’est pas bien ! ». Chacun a sa liberté de ton et la mienne, c’est d’essayer de rire avec les gens sur des sujets de société, de prendre du recul et de souffler.
Le spectacle s’intitule « Plus rien à perdre ! » et sur l’affiche, vous vous montrez de dos en laissant apparaître votre calvitie naissante. On se dit alors qu’il y a finalement encore beaucoup de choses à perdre…
(Rires) Il y en a encore sur le dessus à perdre, mais ma coupe de cheveux ne veut plus dire grand chose ! Mais non, c’est surtout que j’ai eu quarante ans, que j’ai un enfant et donc forcément, on prend un peu de recul sur le métier. Quand on commence, on a envie de durer le plus longtemps possible, alors que maintenant, j’ai plutôt envie de me lâcher et ne plus faire gaffe à ceci ou cela. J’ai envie de prendre du plaisir.
Avec votre expérience, pensez-vous que l’humour a changé ? Aujourd’hui, pensez-vous encore pouvoir faire rire avec votre premier spectacle ?
Evidemment, lorsque je regarde mon premier spectacle, je n’y vois que des imperfections. J’ai beaucoup progressé de spectacle en spectacle, en tout cas au niveau de l’expérience et de l’épaisseur de jeu. Après, le texte reste plus ou moins inspiré. Je crois que le gros changement est surtout dans l’appréciation des spectacles. Depuis, il y a eu l’arrivée des réseaux sociaux qui ont changé la donne au niveau promotionnel. Mais passé ça, le métier est resté le même, c’est-à-dire se mettre devant une salle et la faire rire. Je crois que c’est la chance de notre métier : il sera encore le même dans mille ans, quelle que soit l’arrivée de nouvelles technologies. Les gens aiment le spectacle vivant.
Vous avez diffusé récemment une vidéo pour tourner en dérision le président Emmanuel Macron et sa photo très controversée aux Antilles (NDLR : photo prise au milieu d’anciens délinquants de Saint-Martin). Est-ce que les réseaux sociaux ont attisé une polémique qui, au départ, n’était qu’une vidéo humoristique ?
Il n’y a jamais eu de polémique en fait. C’est surtout qu’il y a un réseau social en particulier – à savoir Twitter – qui est spécialisé là-dedans. Mais bon, on sait où on met les pieds. Cela vient d’un militantisme dénué de tout recul et de sens de l’humour. Moi, ce qui m’intéresse, c’est monsieur Tout-le-monde qui voit la photo du président et qui en rit un peu chez lui. De mon côté, je libère la parole sur la question. Mais oui, il n’y a pas de polémique.
Enfin, nous avons appris récemment que vous avez été rappeur avant de devenir humoriste…
Vous savez, je suis né à la fin des années 70, donc j’ai grandi dans les années 90 avec les débuts du rap, les Snoop, les Tupac, etc. Je rêvais de ça quand j’étais adolescent. J’avais cette musique qui me faisait rêver et tous les codes qui vont avec. Mais bon, ayant grandi dans une banlieue plutôt favorisée à Nogent-sur-Marne, derrière le Bois de Vincennes, j’étais très loin des ghettos de Los Angeles… Je m’y suis donc essayé comme tout le monde, mais j’ai très vite arrêté car je n’avais ni sens de la musique, ni le sens du rythme. Je pense donc que c’est une très bonne nouvelle pour le rap de savoir que j’ai arrêté.
Fabrice Eboué présentera son spectacle « Plus rien à perdre » le 18 décembre 2018 au Théâtre Saint-Michel à Bruxelles et le 19 décembre au Forum de Liège. Plus d »infos et réservations au 070/660.601 ou sur www.odlive.be