Scénario : Marie Baudet
Dessin : Marie Baudet
Éditions : Virages graphiques
Sortie : 04 septembre 2024
Genre : Roman graphique
Ce ne sont pas des yeux sans visage, mais des visages sans yeux que dessine Marie Baudet. Ses lecteurs le savent. C’était déjà le cas dans sa précédente rupture, puisque c’est de ça dont il est toujours question. L’Amour après, son premier, puait la séparation. Et voilà que son second accuse le choc d’une fracture professionnelle. Ils ne sont pas gâtés. Et pourtant, même sans regard et dans la souffrance, ses personnages s’incarnent. Marie Baudet contredit l’expression qui veut que les yeux soient le miroir de l’âme. Il y a plein d’autres surfaces du corps qui la reflète, semble-t-elle nous dire. En plus d’être un clin d’œil – c’est le cas de le dire – à ses choix graphiques, Eyes without a face est une chanson de Billy Idol dont les paroles accompagnent Sylvain Fardot sur le long fleuve de sa détresse existentielle.
Et du coup, revenons-en à notre histoire de rupture. Eyes without a face, got no human grace. À mesure qu’il cherche l’approbation des autres pour exister, Sylvain perd de son humanité. Rien n’a d’importance si ce n’est la reconnaissance qui passe par la gloire. Ce comédien ringard ne craint que la mort médiatique. Alors quand le personnage qu’il incarne à l’écran s’éteint, c’est son monde qui s’effondre. Il doit à tout prix renaître de ses cendres. N’en déplaise à sa sœur avec qui il partage sa salle de bain, cela demande certains sacrifices, comme de racoler des agents, trônant sur la lunette des toilettes. Et s’il écrivait une autobiographie…
Les dessins sont agréables à regarder, même si c’est une appréciation subjective. Ce qui ne l’est pas en revanche, c’est la poésie qui s’en échappe. Une douceur pastelle irradie les paysages montagneux et les âmes perdues de Marie Baudet. Les silences sont appuyés. Le temps coule comme une rivière un matin d’été. On pourrait croire qu’en perdant leurs caractéristiques faciales, les personnages perdent leur singularité. Et bien, pas du tout. Marie Baudet force leur attitude. Et ce qu’on ne voit pas, on l’imagine. Marie Baudet a trouvé son créneau : des histoires familiales, bourrées de nostalgie et incarnées par des acteurs surprenamment expressif.