Le Centre d’Art de Rouge-Cloître, situé à Auderghem, présente une exposition consacrée à l’artiste belge Jane Graverol (Ixelles, 1905 – Fontainebleau, 1984). Méconnue du grand public, Graverol tient toutefois une place importante dans l’histoire de la peinture surréaliste en Belgique. En effet, si René Magritte s’impose comme la figure majeure du groupe dit « de Bruxelles », celui-ci est rejoint après la Seconde Guerre mondiale par cette dernière. Fille du peintre Alexandre Graverol, elle suit d’abord l’enseignement de Constant Montald et de Jean Delville à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles avant d’entamer sa propre carrière artistique.
Revenons un instant sur le titre choisi pour l’exposition : « Jane Graverol. Le Surréalisme au féminin ». Un parti pris qui, loin d’être gratuit, se comprend à la lumière de l’ombre dont ont dû se satisfaire les femmes artistes tout au long de l’histoire. En effet, combien d’entre elles pourraient, aujourd’hui, se féliciter d’avoir une place de choix dans nos musées ou simplement d’être passées à la postérité ? Ayant conscience des difficultés qui l’attendent, c’est sous le nom de Jean Graverol que notre peintre commence à exposer. Des années plus tard, sa rencontre avec les surréalistes l’amène à développer une œuvre originale en conservant toutefois son intérêt pour le monde animal et végétal.
Organisée autour de cinq thématiques, l’exposition permet au visiteur de découvrir les différentes facettes du travail de l’artiste. Ses débuts sont illustrés par des autoportraits qu’elle réalise après avoir été elle-même le modèle de son père. Il faut dire que sa beauté n’échappe pas aux hommes qui croisent son chemin. À cet égard, elle devient la muse de nombreux surréalistes qui lui vouent un amour platonique. Avec l’un d’eux, Marcel Mariën, elle partage sa vie une dizaine d’années durant et fonde la revue Les Lèvres nues (1954) après avoir été à l’initiative de Temps mêlés (1952). C’est, pendant cette période, que Jane Graverol peint des œuvres surréalistes d’une facture lisse comme son aîné, Magritte. Néanmoins, celles-ci se distinguent par leur caractère onirique qui est le résultat de « rêves réveillés » comme le dit si bien l’artiste.
Si nous lui devons un célèbre portrait des surréalistes daté de 1964 (La Goutte d’eau), c’est cependant dans ces années qu’elle s’éloigne du mouvement. Inspirée par la microbiologie, sa pratique s’oriente temporairement vers le monde des Infiniments petits tout en trouvant dans l’érotisme un terrain propice à la création de nouvelles images. Arrêtons-nous quelque peu sur Lolita (1960) dont le titre, repris au roman de Nabokov, permet à Graverol d’imaginer une jeune fille à la fraîcheur enchanteresse. Représentée de dos, c’est par l’intermédiaire d’un papillon que son regard charme le visiteur. Plus loin, ses peintures-collages aux thèmes d’actualité suscitent encore notre curiosité.
Une exposition à voir absolument et de toute urgence. Ouvert du mercredi au vendredi de 14h à 17h et les samedis et dimanches de 14h à 18h.