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    Esperanzah ! 2023, tolérance, respect et bonhommie

    Ce ne sont pas moins de 32.000 personnes qui ont foulé les pavés de l’abbaye de Floreffe ces 24, 25, 26 et 27 août pour le festival Esperanzah ! Un évènement qui se définit comme un modèle social et culturel différent. Durant ces quatre jours, il y avait effectivement de la diversité sur les différentes scènes mais pas que  !  Esperanzah, c’est surtout une ambiance joyeuse, un amour du vivre ensemble, une envie de profiter, de partager, de découvrir avec tolérance, respect et bonhommie. 

    Cette année, le festival a accueilli un invité surprise qui n’est jamais vraiment le bienvenu pour ce genre d’évènement : la redoutable pluie. Une édition dont la fréquentation a été un peu en baisse. Toutefois, le public était au rendez-vous afin d’admirer les magnifiques décors qui jalonnaient les allées de l’abbaye. Ce ne sont pas moins de quarante artistes qui ont conçu les différents tableaux présents sur tout le chemin menant de la scène Futuro à la scène Jardin. Un vrai parcours découvertes jalonné de merveilles tant visuelles qu’auditives. La cinémathèque n’a pas désempli et différents collectifs associatifs, résidant dans « le Village des Possibles », se sont dits ravis de l’engouement et de la curiosité du public.

    L’espace où résidait les foodtrucks était parfaitement aménagé, de sorte que les files étaient raisonnables et les prix toujours concurrentiels. Une volonté clairement maintenue par les organisateurs de l’évènement. Esperanzah ! est certes un festival mais qui se veut abordable et écologique. Précurseur dans l’utilisation des gobelets réutilisables, les organisateurs continuent à privilégier l’économie locale pour abreuver et alimenter les festivaliers. Une attention qui se ressent dans les prix mais surtout dans le goût. La cuisine du monde sentait l’authenticité, l’amour du bon produit et surtout, la volonté de partager sa culture et son patrimoine.

    Cette année, nous avons pu admirer de nombreux artistes talentueux. Voici une petite rétrospective des moments qui nous ont marqués :  

    Vendredi : 

    Naâman et son reggae feel good. Un artiste solaire, vivant en Inde, aux influences musicales allant du raggamuffin, au hip-hop en passant par la soul. Naâman, ça rime avec shaman et ce n’est pas un hasard. Très engagé auprès de nombreuses associations, ce jeune artiste de 33 ans nous a ouvert la porte de son univers où il est bon de profiter de l’instant présent, où le soleil brille beaucoup et où la musique s’écoute en fermant les yeux et en levant les mains au ciel.

    Bianca Costa, attention alerte  : bomba latina hypra charismatique. Ses sons pop agrémentés de touches brésiliennes ont mis le plein d’énergie sur la scène Futuro. Découverte sur les réseaux sociaux en 2020 grâce à son style unique (la bossa trap), elle a conquis le public d’Esperanzah ! en l’espace de quelques minutes à coups de pas de danse et de sons terriblement endiablés.

    Samedi :

    Nana Benz du Togo est un groupe composé de trois chanteuses et de deux musiciens. Leur particularité est de jouer sur des instruments fabriqués à partir d’objets recyclés. Ce fut un moment très émouvant lorsque la leader du groupe a pris la parole afin de parler du droit des femmes en Afrique et du long travail qu’il y a encore à effectuer là-bas. Excisions, mariages forcés, exclusions des écoles, la condition des femmes reste encore et toujours un combat qu’il faut mener chaque jour. Les textes chantés sont directement inspirés de ces sujets mais portés avec des voix puissantes, presque millénaires. Une belle découverte et une prise de conscience nécessaire.

    Tiiw Tiiw est un groupe belgo-marocain au style que l’on pourrait définir comme un raï contemporain aux inspirations latino. Très populaire sur Youtube, ce groupe est venu partager son amour de la fête et son plaisir de la scène. De la danse, du chant, de l’humour et du partage, la recette parfaite pour faire danser les festivaliers les moins farouches.

    Pomme est une artiste française que l’on ne présente plus. Ses chansons mélancoliques ont envouté le public qui s’était amassé en nombre pour venir l’admirer. Une voix, une simplicité, une pudeur qui fait toujours mouche. Des textes profonds, engagés et fièrement défendus. Pomme était encore une fois une superbe muse venue nous partager son univers, sa force et sa vulnérabilité.

    Zaïmoon ou plutôt Simon Rakovsky est un slameur bruxellois. Accompagné de son ami et contrebassiste Mateusz Malcharek, Zaïmoon conte et déclame des textes forts avec humour et intelligence. Leur concert dans « le Village des possibles » était un peu « celui qu’on ne voyait pas venir ». On vous explique, déjà il y a la surprise de voir la maitrise d’autant d’instruments sur scène, les mélodies sont travaillées et très catchy. Ensuite, c’est un duo extrêmement sympathique et drôle, il y a un travail scénique totalement improvisé sur scène qui marche et qui fait mouche. Et puis c’est l’aura, la magie d’un moment qui existe. Une fanfare qui se lève dans la foule pour accompagner le duo, une foule qui ne cesse d’interagir, d’envoyer de l’amour, qui n’en a jamais assez et ça crée LA surprise. Le moment qui nous semble être un peu suspendu, qui crée le frisson, la synergie, le sentiment d’avoir fait parti d’un collectif. C’était précieux, c’était surtout mérité et ça sera surement le début pour eux de nombreuses autres opportunités.

    Tiken Jah Fakoly c’est les fondamentaux du reggae roots africains. Des textes politiques, des prises de position totalement assumées sur des thématiques difficiles comme le pillage de l’Afrique, le réchauffement climatique ou encore la destruction de la culture des peuples africains. Il illustre à lui seul les combats de l’Afrique et en est son porte-parole à travers le monde. A Esperanzah !, on sentait qu’il s’y plaisait comme chez lui, le public en tout cas ce soir-là était massivement présent pour le saluer et profiter de sa prestation.

    Dimanche :

    Alina Pash est une artiste d’origine ukrainienne. Ses inspirations sont des sons electropop mélangés à des chants ethniques des Carpates qu’elle interprète avec une voix tout simplement prodigieuse. Celle qui se définit comme une sorcière moderne est définitivement dotée de pouvoirs hypnotiques tant sa présence, son charisme, sa générosité et son talent subjuguent et fanatisent. Elle est une artiste définitivement à surveiller. Nous avons vraiment été impressionnés par sa performance et l’étendue de son univers musical. Elle a tout d’une star internationale et il ne faudra pas longtemps pour que le monde la réclame.

    Chilly Gonzales est un artiste canadien, résolument briseur de codes. Celui qui arrive sur scène en claquettes et peignoir est un virtuose du piano. Sa personnalité atypique, volontairement provocatrice et complètement déjantée font de cet artiste un véritable phénomène qu’il est fascinant d’observer. En dehors du personnage, c’est surtout une richesse de composition qu’il nous propose. Accompagné sur scène d’un violoniste, d’une violoncelliste, d’un batteur et d’une chanteuse, il a charmé le public à travers des compositions instrumentales mais aussi avec un rap contemporain et quelques reprises célèbres qu’il était surprenant d’entendre.

    Lors de cette édition, les arts de la rue n’ont pas été bouder, bien au contraire !

    Nous avons pu admirer les Tatoumages ainsi que le spectacle de pyrotechnie « La Calèche aux âmes » de la Compagnie des 7 vies. Les premiers sont des artistes peintres qui ont déambulé durant tout le festival afin de dessiner sur le corps des festivaliers des tatouages mystiques. Une activité qui a eu beaucoup de succès tant les couleurs et les styles étaient variés et transformaient les uns et les autres en créatures originales. Les deuxièmes sont des dompteurs de feu, comme ils aiment se définir. Un show qui nous apostrophait sur la place de la vie et de la mort, tous deux considérés comme les deux faces d’une même pièce. Est-ce que la mort est la fin ou le commencement de la vie ? C’est avec beaucoup de poésie que nous avons été plongés dans cette parenthèse étrange, envoutante et techniquement impressionnante.

    Cette édition 2023 d’Esperanzah ! est pour nous un grand succès. La richesse du terreau artistique ainsi que toutes les valeurs véhiculées et qui sont la trame de fond de la construction du festival est à notre sens la meilleure carte visite de cet évènement. Celle qui nous accroche en nous invitant à la découverte et qui, en quelques instants, nous fidélise pour les années à venir.

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