Titre : Erostrate
Autrice : Martin Veyron
Edition : Dargaud
Date de parution : 11 octobre 2024
Genre du livre : Roman graphique
Erostrate n’a pas le feu sacré. La raison qui pousse cet Athénien arrogant à incendier le temple d’Artémis d’Ephèse, l’une des sept merveilles du monde, c’est la vanité. « Devenir connu ». Pour les Éphésiens, sa justification est bancale. Mais à l’heure des réseaux sociaux, elle ne nous semble pas si absurde. Sans mauvais jeu de mots, le sujet est brûlant.
Le design épuré de la couverture, uniquement construit autour du jeu typographique, est aux antipodes du trait potache qui caractérise le dessin de Martin Veyron. Il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Ni même à ses codes graphiques, car, même s’il est drôle, Erostrate ne doit pas être seulement réduit à ses qualités humoristiques. Erostrate est un personnage qui a réellement existé et dont les arguments semblent effroyablement actuels.
Martin Veyron utilise le procès de son criminel pour mettre en lumière certains enseignements philosophiques, historiques ou mythologiques de l’Antiquité. Erostrate, avant l’acte, n’était déjà pas n’importe qui. Il semblerait qu’à Athènes, sa route ait croisé celle de l’illustre Platon ou encore celle de Diogène, le cynique. Son parcours est un dédale, balisé par des figures tutélaires de l’Antiquité. Mais surtout, en étant un enfant scolarisé, Erostrate est biberonné à la mythologie, permettant à Veyron d’explorer d’autres pistes narratives. Aux déconvenues d’un marmot un peu trop bavard, fils de potier, se mêlent les querelles et fourberies des dieux grecs qu’enseignent les instituteurs.
Mais même sa bonne éducation n’a pas raison de son orgueil. Plus éphèbe que philosophe, c’est à Phryné, la séduisante courtisane qu’Erostrate ressemble le plus. Ils jouissent tous deux d’un physique qui fait l’unanimité. Les traits d’Erostrate sont apollonesque, et c’est peut-être ce qui pousse l’intrépide à défier les dieux par défaut d’humilité. Comme Narcisse qui est entré dans notre vocabulaire, Erostrate donne son nom à un complexe, trouble qu’on retrouve chez les personnes ayant développé un culte de l’apparence. Mais malgré son caractère honteusement actuel, le sujet est traité par Martin Veyron avec légèreté. L’auteur de Edmond le cochon dont l’humour absurde se rapproche, ici, de celui de Fab Caro est capable, avec ses dialogues et ses postures, de nous arracher un rire homérique. Erostrate est la biographie intelligente d’un troublion qui s’est cru sorti de la cuisse de Jupiter. Une exploration réjouissante de l’épistémè grecque, dans une veine Asterix et Obelix Mission Cléopâtre.