De Brigitte Jaques-Wajeman, mise en scène de Christian Baggen avec Christian Crahay, Anabel Lopez, Sacha Fritschké et Barnabé Couvrant, du 22 février au 10 mars 2018 à 20h30 aux Riches Claires.
Le théâtre n’est pas un jeu, il demande de la rigueur, une intensité dans les émotions et celles-ci doivent être assez puissantes pour que la parole naisse d’elles et non le contraire. Le théâtre ce n’est pas jouer, c’est respirer son personnage, c’est le faire naître dans chaque mouvement, c’est le chercher dans le détail et dans la justesse.
Voilà ce que nous dit Louis Jouvet préparant avec une élève du conservatoire, Claudia, les adieux d’Elvire, scène 6 de l’acte IV du Dom Juan de Molière. La répétition n’est pas routinière, elle forge minute après minute le caractère d’Elvire, elle travaille les inflexions de sa voix ainsi que le mouvement juste. Inlassablement, comme un sacerdoce, Claudia travaille Elvire au corps et au cœur. Avec parfois violence, le professeur la tance et la pousse dans ses retranchements, dans ses limites de comédienne. Louis Jouvet aime le théâtre et le spectateur le ressent malgré sa dureté de ton envers son élève. Sévère dans ses attentes, on le voit pousser à l’extrême les qualités de comédienne de Claudia mais aussi ses défauts, en somme, tout ce qui l’empêche d’être Elvire.
Claudia prépare le concours du Conservatoire de Paris et nous voyons cette préparation, nous voyons aussi l’art dans ce qu’il a de plus touchant et de plus sincère ; l’amour. Amour pour le texte, pour le jeu, pour les personnages, pour le beau et le juste, l’art comme miroir des sentiments et des variations de l’âme.
D’après les sténographies que Louis Jouvet a fait prendre de ses cours, Elvire Jouvet 40 dissèque la création théâtrale et nous en fait voir le squelette. En 7 leçons s’étalant de février à septembre 1940, c’est la naissance d’une scène que voyons. La pièce a été créée en 1986, à Strasbourg et a connu de nombreuses représentations ainsi qu’un film en 1987.
C’est un instant intime qu’Elvire Jouvet 40 nous propose. Là, avec ces comédiens, nous vivons une naissance artistique et le temps se fige dans la création. Puis vient la fin et la guerre qui ressurgit, qui couronne le tout de son injustice. L’art intense en 7 leçons à voir, découvrir ou redécouvrir indubitablement.