Scénario : Jakupi
Dessin : Jakupi
Editeur : Dupuis
Sortie : 03 mai 2019
Genre : Histoire, Aventure
En 2006, Gani Jakupi serait tombé sur une photo qui aurait éveillé sa curiosité. On peut dire sans euphémisme que cette simple image – représentant un Américain venu à Cuba se battre aux côtés des castristes – est à l’origine du plus grand travail de sa vie. Pendant douze ans, le bédéiste kosovar va se consacrer à la recherche de documents et témoignages qui pourraient lui en dire plus sur cet homme, celui qu’on appelle El Commandante Yankee.
Cuba, 1952. Peu soutenu par son peuple mais secondé par les États-Unis, Fulgencio Batista utilise la force pour prendre le pouvoir. Le peuple se révolte avec à ses côtés William Alexander Morgan, l’un des rares étrangers et le seul Américain à avoir participé activement à la révolution cubaine. Si la cause est noble, les débuts sont durs pour Morgan qui a du mal à s’habituer au climat et à gagner la confiance de ses frères d’armes. Mais Morgan apparaît vite tel qu’il est : un homme honnête et dévoué dont les talents de bandit et de militaire peuvent être très utiles. Et même après les désillusions de la montée au pouvoir de Castro, Morgan restera intègre et continuera à se battre pour les idéaux qu’il a toujours défendus. Mais dans cette aventure, l’Américain trouvera plus que le plaisir de lutter pour des convictions, il rencontrera l’amour et l’amitié, il donnera un sens à sa vie.
El Commandante Yankee, ce n’est pas tout à fait l’histoire de la révolution cubaine telle qu’on la connaît. Cette fois ce n’est pas un Che souriant, symbole de rébellion, qui est dressé en héros. Que du contraire, Guevara n’apparaît que comme un manipulateur, avide de reconnaissance. À la place, ce sont les hommes de l’ombre, ceux qui ont combattu à Escambray avec le Segundo Frente, que l’on met à l’affiche. Bien sûr, pour raconter le combat de ces braves que l’histoire a écarté, il faut une sacrée documentation. Mais il faut aussi un bon esprit de synthèse. Et l’auteur fait un réel effort pour rendre l’histoire compréhensible, en s’accordant de petits remaniements et en éludant quelques passages. Mais malgré tout, le récit reste difficile à aborder pour celui qui n’a qu’une connaissance très succincte de l’histoire cubaine. Entre barbus, les personnages se confondent et certains événements s’entremêlent. L’auteur donne parfois l’impression qu’à s’être trop documenté, il a oublié que le lecteur ne l’est pas.
Graphiquement, les images paraissent assez séduisantes. L’auteur parvient, grâce à une palette de couleurs maîtrisée et un coup de crayon expressif, à rendre compte de l’ambiance du Cuba des années 50 et de l’agitation de l’époque. Mais souvent ses dessins sont trop bavards car Jakupi mélange des aplats de couleurs très vives et des textures exagérées. Bien travaillée, El Commandante Yankee reste une bande dessinée instructive et agréable à lire.