Le terme grec ekphrasis désigne la description construite d’une œuvre d’art, réelle ou fictive, souvent conçue sur un modèle pour parvenir à une grande puissance d’évocation. C’est aussi le titre choisi par le curateur italien Bruno Cora pour la nouvelle exposition de la Fondation Boghossian à la Villa Empain à Bruxelles.
Également historien et critique d’art, Cora a publié de nombreux ouvrages sur l’art contemporain. Il a été entre autres directeur de plusieurs musées renommés en Italie. Pour Ekphrasis, il a sélectionné une quarantaine d’artistes internationaux, dont certains sont des amis proches. Ils s’expriment avec les mots, qu’ils soient clairs ou illisibles, avec humour ou engagement, ou jouant sur la notion de paradoxe.
Quelques œuvres au détail
Déjà présent dans l’exposition Beyond Borders avec l’œuvre L’homme ne vit pas seulement de pain, Taysir Batniji propose encore une fois un œuvre poétique avec Imperfect lovers. Intéressé par les frontières, le morcellement des territoires, et les passages qu’ils entrainent, l’artiste expose une œuvre composée de deux néons représentant deux mots arabes, révolution et fortune, identiques à une lettre près. Taysir Batniji joue sur la proximité des mots, y compris dans la façon dont ils sont placés, et questionne le spectateur sur leur sens. L’œuvre est interpellante dans son aspect minimal et conceptuel.
Annette Messager travaille le textile sous différentes formes depuis les années septante. Son œuvre Ma collection de proverbes est composée d’une quinzaine de broderies. Au fil de différentes couleurs, celles-ci reprennent des phrases négatives sur la condition des femmes. L’artiste évoque une forme de sexisme ordinaire sous forme de blague, aussi absurde que déplacée. Placée dans une pièce présentant des œuvres d’artistes femmes, Ma collection de proverbes questionne sur le sexisme et pose la question du rôle féminin. Sans toutefois s’engager dans le féminisme, Messager met en avant la broderie, une technique ancienne toujours attachée à l’univers féminin. L’œuvre est touchante, entre l’absurdité presque drôle de certaines phrases et révoltante tant certaines semblent sortir d’une autre époque.
Habitué à utiliser l’écriture comme médium James Lee Byars génère des œuvres entre installations, performances, sculptures et dessins. Son œuvre Dear Mister Gold représente une lettre écrite à l’or, en utilisant cette même couleur dans un style fantaisiste sur fond rouge. Fidèle à ses couleurs de prédilection, avec le noir et le blanc, il joue avec l’écriture en la déformant légèrement de manière à intriguer le spectateur afin qu’il porte toute son attention pour déchiffrer le message écrit. L’œuvre est poétique, dans la lignée des autres œuvres traitant de l’éphémère, de l’invisible ou de la mort.
On peut citer d’autres œuvres marquantes telles que Union Impossible de Mounir Fatmi, une machine à écrire à l’alphabet latin et dont sort des lettres arabes, Marcel Broodthaers avec quatre œuvres dont une vidéo poétique intitulée La Pluie (projet pour un texte), ou encore Peter Downsbrough qui interroge l’espace et le langage aves ses lettres graphique placées dans le salon à l’extérieur et dans la piscine. Ekphrasis offre au spectateur une vision assez large de l’écriture dans l’art contemporain. Un ensemble de points de vue différents, qu’ils soient liés à la nationalité des artistes, ou à l’époque dans laquelle ils créent.
Informations pratiques
- Où ? Villa Empain, Avenue Franklin Roosevelt 67, 1050 Bruxelles.
- Quand ? Du 24 octobre 2019 au 09 février 2020, du dimanche au mardi de 11h à 18h.
- Combien ? 10 EUR au tarif plein. Plusieurs tarifs réduits possibles.