D’Alexis Michalik. Mise en scène de Michel Kacenelenbogen. Avec Tristan Schotte, Maxime Anselin, Perrine Delers, Inès Dubuisson, David Dumont, Itsik Elbaz, Mwanza Goutier, Antoine Guillaume, Sandrine Laroche, Réal Siellez, Elsa Tarlton et François-Michel van der Rest. Du 05/09/19 au 16/11/19 au Théâtre Le Public.
Le public s’installe, les comédiens flânent sur la scène. Une fois que tout le monde est bien installé, le spectacle est lancé. Mais attention, cramponnez-vous à vos sièges et dites au revoir à vos proches, vous n’en reviendrez peut-être pas vivants. Ou tout au plus, changés. Il n’y aura pas d’arrêt, pas d’entracte et surtout pas le temps de reprendre sa respiration. Vous allez assister à une explosion spectaculaire qui vous fera éclater de rire, écarquiller de grands yeux enfantins face à la magie de la mise en scène et le bout de votre nez ne pourra plus quitter cette histoire. Préparez-vous, cette pièce est un triomphe. Vous êtes prévenus.
« Tu es complètement dérangé !
Bien entendu, je suis auteur.«
Alexis Michalik nous raconte dans cette pièce toute la création du chef-d’œuvre « Cyrano ». Nous sommes à la fin du 19ème siècle et Edmond Rostand, jeune auteur sans un sous enchaine les fours. Il rencontre alors Constant Coquelin, un grand acteur, à qui il promet d’écrire une comédie. Mais où trouver l’inspiration ? Entre sa femme qui garde ses deux enfants et met en lui tout son espoir, son ami à l’amour volage et la fille que ce dernier convoite. Disputes, tendresses, fourberies, amours, tromperies, tout son monde l’inspire. Et voici que l’idée émerge. Mais il doit écrire rapidement. Coquelin exige un texte. Une comédie ! Et c’est donc avec son propre cœur qu’Edmond écrit les vers de sa pièce. D’abord en trois actes. Mais sa vie bascule. Quatre actes. Puis cinq. Il va falloir la jouer. Et si ce n’était pas un succès ? Ni une comédie ?
Sur scène, douze acteurs. Mais une impression d’en avoir deux cent. Quasi tous enchaînent plusieurs rôles avec des changements de costumes à la vitesse de l’éclair. « Mais… Il ne jouait pas le directeur costumier avant ?? Non, c’était Marcel ! T’es sûr ? Il faisait un mousquetaire, j’te dis ! ». Chaque acteur offre son talent comme des feux d’artifices, on se plait à adorer ces personnages. Certains touchants, d’autres terriblement drôles et beaux. Tristan Schotte, qui joue Edmond, offre une belle sincérité et une douceur qui nous donne envie de le suivre jusqu’à la fin de son aventure. Le public veut l’encourager dans son écriture, dans la création de son œuvre, avec la complicité de son ami, joué par David Dumont. Nous avons un Itsik Elbaz, époustouflant. Dès sa première réplique, on sait qu’il jouera Cyrano. Son charisme est imposé, sa prestance est démontrée, il n’y a aucun doute. Lorsqu’Antoine Guillaume entre sur scène, le public murmure de surprise. « Mais il jouait qui, lui ? C’est le même qui joue Feydeau et Lucien ? Mais non ! Comment ? Tchekhov aussi ? Vous mentez, c’est impossible ! ». Ses transformations sont bluffantes. Sa démarche, sa voix, ses mimiques, tout change en même temps que ses costumes, pour devenir des personnages détonants et terriblement amusants. Une Perrine Delers qui nous rend fous tant sa Maria Legaut est génialement agaçante. Vient la fraicheur d’Elsa Tarlton en une Jeanne plus douce que jamais. Elle nous fait comprendre comment Edmond a trouvé l’inspiration dans ses yeux et trempé sa plume dans son cœur, dans le nôtre également. Aucun acteur, aucune actrice ne manquait de justesse. Une authenticité et une précision dans le jeu qui nous emporte.
La mise en scène ? Un film. Un rêve. Toujours emporter par ce vaisseau qu’est cette pièce, les décors changent à une vitesse fulgurante. Nous sommes dans l’appartement d’Edmond. Non, dans un café. Non, au théâtre. Non, dans la rue. Un cinéma, un lupanar, un train, une calèche, … Nous avons l’impression que ça ne s’arrête plus. Ce sont des images qui défilent devant nos yeux comme les premières projections des frères Lumière. Le récit court sur tous ces plans, toutes ces scènes comme sur des pellicules qui se déroulent et les acteurs avec eux sans jamais en être essoufflés. C’est nous, maintenus à nos sièges, qui sommes scotchés, en sueur d’engouement, flagellés par le suspens et ce récit poignant. Mais quand s’arrêteront-ils ? Jamais. Quoi ? Déjà fini ? Mais on vient de s’asseoir. 1h50 ? Vraiment ? Impossible. Ils sont fous. Ou talentueux. Ou les deux. Nous avons voyagé dans le temps. Et c’était merveilleux.
Les applaudissements ne s’arrêtent plus. Les acteurs saluent et saluent encore. Le public est conquit, amoureux. Quel panache !