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    Échos de notre temps de Camille Dufour et Rafael Klepfisch

    Avec Échos de notre temps, les artistes Camille Dufour et Rafael Klepfisch investissent la Belgian Gallery pour y infiltrer les spectres d’un monde en plein déclin. Le résultat : une plongée dans un univers paisiblement chaotique, à la fois fourmillant, anxiogène, et silencieux, tel une armada d’imposantes statues de marbre.

    Le prix à payer

    Composé de sept diptyques, la série 7 péchés du capitalisme met en scène une version modernisée des péchés capitaux. Les gravures sur bois de Camille Dufour sont de minutieux amas de corps, de figures grimaçantes, de civilisations en ruines et d’objets en série avançant en rang serré vers les spectateurs et spectatrices. Évoquant la frénésie confuse des peintures de Hieronymus Bosh ou l’aspect troublant et menaçant des plus sombres tableaux de Francesco de Goya, ces impressions grand formats surplombent et écrasent leur public sans vergogne.

    Dialoguant avec les textes gravés et le travail vidéo de Rafael Klepfish, ceux-ci questionnent, non sans ironie, les travers d’un système à bout de souffle. Les désastres modernes se mêlent à  l’imagerie des grands mythes pour générer d’effrayantes scènes de machineries infernales, se repaissant de corps sans têtes et de masses grouillantes d’individus décharnés.

    La parole lapidaire, simple et efficace des textes de Rafael Klepfish se marie parfaitement à l’approche intuitive, l’aspect viscéral et la force du geste qui émanent des œuvres picturales de Camille Dufour. On retrouve cette dichotomie trouble entre l’organique et le clinique dans sa série Nos corps, ensemble de fragments de visions inhabituelles du corps féminin. Étranges et se rapprochant de l’abstraction, ces images visent à questionner la version idéalisée, uniforme et commerciale des corps de femmes dans l’espace public.

    Les tombeaux et l’indifférence

    Une atmosphère plus muette et ténue se dégage de l’installation-performance Eaux anonymes. Réalisée au moyen de l’écrasement manuel de pétales de fleurs au dos de la toile, une gravure dont la taille évoque une pierre tombale est imprimée encore et encore jusqu’à épuisement de l’encre. L’image originelle, représentant des eaux charriant des corps quasi invisibles, s’estompe peu à peu au fil des tirages tandis qu’au verso, les traces colorées des pétales de fleurs persistent dans toute leur vivacité.

    La répétition nécessaire du geste, l’usage des pétales et la scène qui s’efface évoquent autant le rite funéraire que la commémoration des disparus. Des fleurs intactes accompagnent les gravures suspendues, comme pour servir de rappel à l’état originel des pétales avant leur broyage. Celui-ci fait écho de manière symbolique au broiement  des individus abandonnés à la fureur des flots dans leur funeste tentative de traversée.

    La fin et l’obscurité

    Pour la plupart réalisées laborieusement à la force du poignet, les œuvres exposées et leur processus de création s’apparentent à une tentative de rituel expiatoire purgeant l’humanité de ses excès abscons et mortifères. Complexes et cauchemardesques, cette iconographie propose une réinvention d’une mythologie sombre et pessimiste, exacerbant les catastrophes contemporaines dans un maelström de motifs évoquant aussi bien des carnages très anciens qu’une hypermodernité stérile.

    Symptomatiques d’un épuisement planétaire, ces Échos de notre temps conservent un arrière-goût de fin d’ère en combustion, simultanément explosive et feutrée. Une ère que peu de monde s’aventurera à regretter.

    Infos pratiques

    • Où ? Belgian Gallery, Rue de florence 39, 1050 Ixelles.
    • Quand ? Le jeudi de 11h à 18h, les vendredis et samedis de 14h à 18h du 2 au 22 décembre 2022. Finissage jeudi 22 décembre de 17h à 19h.
    • Combien ? Gratuit.

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