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    Dream Theater : The Astonishing

    Voici The Astonishing, le nouvel album des désormais légendaires Dream Theater. Légendaires, car ces musiciens issus du fameux collège de Berkley ont redonné vie dans les années 90 au rock progressif, un genre que l’on pensait alors obsolète.

    Deux ans après leur précédent opus sobrement intitulé Dream Theater, le groupe revient donc avec ce fameux album.

    On avait été quelque peu déçu du dernier album. Le groupe avait alors joué la sobriété et était revenu à ses racines. Mais cela n’avait pas fait mouche. Certes, la technique était là, le tout sonnait de façon très propre.

    Ce disque sonnait trop comme Images & Words et manquait d’âme. On aurait dit que le groupe se sentait fragilisé depuis le départ du batteur Mike Portnoy et avait préféré jouer la sécurité en nous réservant le potage du jour précédent. Bref, ça sentait trop le réchauffé et contrairement à certains plats, celui-ci n’était clairement pas meilleur le lendemain.

    De plus, le talent du nouveau batteur Mike Mangini ne semblait pas apporter beaucoup au groupe qui se contentait de reproduire plutôt que d’innover.

    Sans doute que les New-Yorkais se sont remits en question et se sont visiblement creusé la tête pour nous servir cet « étonnant » nouvel album. Ou plutôt double album!

    The Astonishing, c’est pas moins de 34 titres pour raconter l’histoire de cet album concept sous forme d’opéra-rock. On est donc de nouveau dans un album axé autour d’un thème et d’une histoire. Celle d’un monde ayant connu une terrible catastrophe et qui se rattacha à un système féodal où la monarchie avait de nouveau pris le dessus aux côtés de la technologie. Une manière de mêler le passé et le futur et de justifier par la même occasion ce phénomène dans les compositions et le visuel de cet album très particulier. Que l’on aime ou pas ce concept, on a enfin là un album avec une identité.

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    Alors, la proposition est orgueilleuse à souhait. Proposer une énorme quantité de musique et une complexité poussée dans les moindres détails dans un double album, c’est évidemment très osé.

    Mais on le sait, la majorité des double albums est décevante car les artistes ayant recours à ce type de méthode ont souvent tendance à en rajouter et à remplir l’espace avec des morceaux fort anodins et très facilement dispensables.

    Voyons donc si The Astonishing fait partie de ceux-là ou s’il s’agit d’un exploit de la part d’un groupe qui a déjà 30 ans d’existence.

    Bien entendu, on ne va pas détailler les 34 morceaux et se lancer dans une analyse interminable et pompeuse de cet album.

    Disons simplement que, globalement, The Astonishing porte bien son nom car il est assez étonnant. Mais il faut reconnaître qu’il ne séduira sans doute pas tous les fans.

    Dystopian Overture qui ouvre le bal nous offre le Dream Theater des années 2000 dans sa grande splendeur. Lourd, mélodieux et puissant à la fois. Le groupe fait ici une entrée en force dans un premier morceau instrumental avec de beaux passages où chacun se distingue par sa technique et un brin de folie. Un savant mélange qui a fait le charme du groupe.

    Ensuite, The Gift Of Music est le premier single de l’album qui fut proposé récemment. C’est là un titre plus « radio friendly » qui rassemble tout de même tous les éléments qui caractérisent le groupe et offre ainsi un large panel de leur talent.

    On passe après à des titres plus doux comme The Answer ou A Better Life. Des titres qui ne sonnent pas trop gnangnan pour une fois. Puis on groove à nouveau avec Lord Nafaryus, un titre aux sonorités plus dramatiques dont certains passages pourraient faire penser à un tango revu façon metal.

    Ensuite s’enchainent des slows où l’on retrouve surtout de la mélodie, sans doute de l’émotion, mais un cruel manque de variation. Et il faut reconnaître que cette tendance de John Petrucci à faire des  phrasés trop prévisibles pour accompagner chaque couplet a un effet très négatif sur les chansons.

    Il faut attendre donc le dixième morceau, Three Days, pour retrouver quelque chose qui a la gnaque digne de la grande époque du groupe.

    On retrouve aussi de l’intérêt dans le morceau A Life Left Behind, un titre qui est très entrainant et mélodieux à souhait.

    Parmi les chansons où l’on retrouve une émotion particulière, Ravenskill est sans doute la plus mémorable. Plus habillée d’un point de vue sonore, elle comporte également une belle mise en valeur du talent de Dream Theater à emporter l’auditeur dans son univers et à proposer quelque chose de riche et audible à la fois. C’est pour moi le titre le plus réussi de cet album.

    On pourrait s’étendre encore davantage sur ce double album. Il est certain que celui-ci demande de nombreuses écoutes pour y déceler toutes les subtilités. Ce qui est certain, c’est que ce disque est avant tout celui du guitariste John Petrucci et du claviériste Jordan Rudess qui se retrouvent clairement mis en avait par rapport aux autres membres du groupe.

    Ne cherchez pas quelque chose de plus agressif avec cet album car il est composé majoritairement de power-balades. On joue beaucoup sur l’émotion et il est clair qu’il faut voir cet album comme un tout plutôt que de se focaliser sur un morceau en particulier.

    L’ensemble est certes agréable, Dream Theater a semble-t-il beaucoup travaillé pour faire ce nouvel opus. Mais le principal défaut de l’oeuvre réside sans doute dans son manque de rythme et d’entrain.

    On a beau aimer les balades, il vient un moment donné où l’on attend plus de diversité de la part de ce groupe. Et il est clair que ce n’est pas le cas ici.

    Voilà pourquoi certains crieront au chef-d’oeuvre avec des orchestrations magnifiques, des morceaux très travaillés et une chouette histoire qui permet de rentrer dans un univers particulier. Pour d’autres, et bien cela manquera de peps et de mordant. C’est un album très audacieux mais qui n’est vraiment pas fait pour tout le monde.

    Entre les comparaisons à d’autres chef-d’oeuvre comme Tommy des Who, The Wall et d’autres albums concepts de référence, le fait que le public qui écoute du rock progressif est extrêmement exigeant et loin d’être nombreux, seul le temps dira si cet Astonishing trouvera son public.

    Christophe Pauly
    Christophe Pauly
    Journaliste et photographe du Suricate Magazine

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