Don’t Breathe
de Fede Alvarez
Horreur
Avec Stephen Lang, Jane Levy, Dylan Minnette, Daniel Zovatto, Emma Bercovici
Sorti le 12 octobre 2016
Produit par Sam Raimi, Don’t Breathe permet à celui-ci de déléguer une nouvelle fois la réalisation à son petit protégé Fede Alvarez, lequel avait déjà commis un remake premier degré du décalé Evil Dead. Ce film-ci est plus ambitieux, il tend à s’ancrer dans une nouvelle façon de faire de l’horreur, à mi-chemin entre l’immersion et la démarche d’auteur, un peu à la façon du It Follows de David Robert Mitchell, auquel l’affiche de Don’t Breathe fait d’ailleurs un clin d’œil appuyé.
L’heure n’est plus, pour les réalisateurs de films d’horreur, à s’inscrire pleinement dans des cases du genre et à remplir un cahier des charges. Le « challenge » que semble collectivement s’être imposé la jeune génération est de choisir des sous-genres précis du cinéma horrifique et de les détourner de l’intérieur afin de tenter d’imposer une certaine forme d’originalité dans quelque chose de finalement très figé.
Don’t Breathe s’inscrit donc dans le sous-genre du « home invasion », dans lequel une ou plusieurs victimes sont pourchassées par un ou plusieurs assaillants, dans l’espace clos d’une seule habitation. Mais le film prend évidemment le principe à rebrousse-poil en inversant la donne assez rapidement et en faisant des assaillants les assaillis. En réalité, le procédé n’est pas vraiment inédit, et a déjà été utilisé dans plusieurs séries B, connues principalement des amateurs d’horreur les plus pointus (Insiders d’Adam Schindler, entre autres). Mais Don’t Breathe y ajoute une dimension supplémentaire en faisant de la fausse victime un aveugle utilisant son ouïe et son odorat surdéveloppés pour traquer les intrus.
Une bande de jeunes cambrioleurs se retrouve donc aux prises avec un vétéran de l’armée, aveuglé par une explosion, qui a supposément touché un pactole de compensation suite à la mort de sa fille, renversée par un chauffard. L’homme cacherait l’argent dans les tréfonds de sa maison perdue au cœur d’un quartier désaffecté. Mais le vieil ermite a évidemment d’autres secrets enfouis dans sa cave.
Au-delà du renversement chasseur-proie qu’opère le film, celui-ci revêt une apparence et une structure assez classiques mais parvient, dès le premier retournement de situation, à instaurer une tension et une ambiance efficaces, à défaut de vraies trouvailles de mise en scène. On peut déplorer, entre autres, que les possibilités visuelles et sonores qu’offrait la cécité du personnage ne soient pas du tout exploitées.
Dans sa dernière partie où s’accumulent les révélations glauques et les saillies « trash », Don’t Breathe dévoile également un discours un peu rance sur l’origine du mal. Alors qu’il s’apprête à infliger l’impensable à une jeune femme, le psychopathe palabre et théorise ce qui le pousse à agir de la sorte, prétextant qu’il n’y a rien que l’homme soit incapable de faire une fois qu’il a accepté l’inexistence de Dieu. Autrement dit, le film stipule clairement qu’aucune morale n’est possible sans religion. Encore une fois, le décalage entre la volonté d’un film de transgresser des règles ou des tabous et son discours réactionnaire apparaît dans les détails, au détour d’une réplique, et noyé dans emballage immersif qui limite l’amplitude de la réflexion du spectateur sur le sous-texte qui lui est servi.