auteur : Raphaël Schraepen
édition : Les Territoires de la Mémoire
sortie : novembre 2015
genre : musique
Sous le règne du nazisme, l’appellation « art dégénéré » a fait surface. De près ou de loin, chacun a entendu parler de l’exposition d’art dégénéré organisée par le régime nazi en 1937 à Munich. La musique n’a également pas été épargnée, donnant naissance à la dénomination « musique dégénérée », soit la musique haïe par Hitler et ses condisciples. Dans son essai, le mélomane liégeois Raphaël Schraepen dresse un tableau de l’état de la musique en Occident – de la fin du XIXe siècle à l’après-guerre – et tente de décortiquer ce qui a été considéré comme « musique dégénérée » et comment cette période noire de l’histoire a chamboulé la trajectoire de la musique classique.
Divisé en dix chapitres avec une préface percutante du musicologue italien Francesco Lotoro, Pas d’oiseau sur les fils aborde différents thèmes comme le jazz, le camp de transit Terezin ou encore la ville de Prague, joyau culturel de la première moitié du XXe siècle. Les chapitres n’ont pas de véritable lien entre eux, seules quelques bribes de la vie de la musicienne Alice Sommer Hertz sont parsemées par-ci par-là tout au long de notre lecture et constituera la belle conclusion de l’ouvrage.
Il n’empêche, le livre de Raphaël représente une mine (d’or) d’informations intéressantes. Nous découvrons comment la guerre 39-45 a influencé les musiciens dans leurs œuvres : pour beaucoup d’entre eux, elle a stoppé net leur créativité en les dégoûtant ou… en les tuant prématurément pour motif religieux. Pour d’autres par contre, cet épisode macabre a représenté une période florissante en termes de compositions. Raphaël Schraepen nous dévoile aussi comment le jazz, maudit par les nazis est paradoxalement utilisé comme musique de propagande : « si ta femme est loin, c’est à cause des foutus juifs », peut-on retenir comme anecdote. Ces musiciens-là par contre, s’en sortiront (injustement) indemnes après la guerre. Mais la lumière se révèle dans toute période sombre : l’essayiste nous fait part d’un mouvement de résistance de musiciens en France… Nous n’en dirons pas plus sur le contenu.
Il semble que les nazis eux-mêmes ne savaient pas exactement définir « la musique dégénérée », difficile alors pour Raphaël Schraepen de faire de même. Et cela se ressent dans son écriture, parfois très confuse par moments. On peut également lui reprocher ses trop nombreux « décorticages » sur le style de tel ou tel musicien. Pour tout lecteur un tant soit peu mélomane, certains passages de l’ouvrage restent trop techniques et donc lourds à lire. Pas d’oiseau sur les fils s’adresse alors davantage à un public (très) mélomane. Dommage, car ce remarquable travail de mémoire réalisé par l’auteur devrait justement toucher non pas une frange de la population mais bien son entièreté.