Diversion
de Glenn Ficarra et John Requa
Thriller, Romance, Comédie
Avec Will Smith, Margot Robbie, Rodrigo Santoro, Gerald McRaney, Adrian Martinez
Sorti le 25 mars 2015
Le troisième long métrage du tandem Glenn Ficarra/John Requa (I Love You Philip Morris, Crazy Stupid Love), outre le fait d’être un parfait véhicule pour la star Will Smith, fait partie d’un sous-genre précis, celui du film d’arnaque. S’il est particulièrement difficile de rater un tel film, porté par un scenario basé sur la dissimulation et la diversion – d’où le titre français –, on n’en est malheureusement pas loin ici, malgré quelque rebondissements bien sentis et deux acteurs charismatiques (Smith et Margot Robbie).
Après voir tenté d’escroquer un arnaqueur professionnel, une jeune criminelle se voit prendre sous son aile par celui-ci. Lui apprenant tout d’abord quelques trucs et astuces du métier, il la fait ensuite participer malgré elle à une arnaque d’envergure, avant de l’abandonner sans plus d’explications. Trois ans plus tard, leurs routes se croisent à nouveau….
Le principal problème de Diversion est qu’il propose en fait deux films en un, deux parties très distinctes séparées par une ellipse de trois ans et faisant évoluer les mêmes personnages dans deux contextes totalement différents, comme s’il s’agissait de deux épisodes d’une série mis bout à bout. Le premier film est une comédie romantique doublée d’un film d’initiation, une « screwball comedy » dont les dialogues entre les deux protagonistes font tout le sel et tout le charme. Le deuxième film est un peu plus sombre, plus premier degré, et représente le corps même du film d’arnaque dans la grande tradition du genre.
Si la première partie est très agréable à regarder, emportée par ses deux sympathiques comédiens et servie par des dialogues ciselés, rapides et intelligents, la seconde partie déçoit. Tout d’abord parce qu’elle implique un réel temps d’adaptation pour resituer l’action et les personnages dans un contexte et une dynamique totalement différents, ensuite parce que la nouvelle relation entre les deux têtes d’affiches implique moins d’humour et moins de rythme dans les dialogues.
On pourrait aussi se questionner sur quelques stéréotypes que perpétue le film à propos des rapports hommes-femmes. Le personnage de Margot Robbie semble ici totalement dépendre de son amant-mentor Will Smith, puisqu’elle apprend tout de lui et que, même abandonnée et manipulée par celui-ci, il ne lui faudra pas beaucoup de temps pour retourner dans ses bras, comme si elle n’existait qu’à travers lui. À une époque où même les blockbusters les plus calibrés mettent en scène des femmes fortes et guerrières, cette représentation du personnage féminin comme faire-valoir – encore accentuée par le fait qu’il soit joué par une actrice peu connue, face à une star masculine dont le nom envahi toute l’affiche – apparaît comme une forme de régression.
De la même manière, la façon dont le film fait tourner ses différentes intrigues autour de milieux sportifs – une première grande arnaque autour de paris sur un match de football, et une seconde dans le milieu de la F1 – contribue à ce relent de « beauferie » phallocrate dans lequel baigne Diversion. C’est très dommage qu’un film qui promette d’être intelligent et interactif en demandant littéralement à son spectateur de se concentrer pour ne pas perdre une miette de ce qui lui est montré – Focus, selon le titre original – finisse par tomber dans une conception du divertissement se résumant à « du pain et des jeux » et dans une imagerie proche du clip de rap avec belles voitures et filles en maillots de bain.