Dior et moi
de Frédéric Tcheng
Documentaire
Avec Jennifer Lawrence, Marion Cotillard, Sharon Stone
Sorti le 8 juillet 2015
« Le temps me semble venu d’une confrontation avec ce frère siamois qui me précède partout depuis que je suis devenu Christian Dior. Lui et moi avons un compte à régler. Lui, c’est le couturier Christian Dior de la Maison Christian Dior, né en 1947. Lui, c’est un millier de personnes, des robes, des photographies dans la presse, et, de temps en temps, une petite révolution sans effusion de sang. Moi c’est certain je suis né à Granville, le 21 janvier 1905. J’aime les réunions intimes entre amis fidèles ; je déteste le bruit, l’agitation mondaine. »
Christian Dior, extrait de Christian Dior et Moi, éditions Librairie Vuibert.
C’est sur les mots écrits par Christian Dior lui-même que le film de Frédéric Tcheng commence enchaînant directement avec la présentation de Raf Simons aux ateliers en avril 2012. La Maison Christian Dior est alors à l’aube d’un grand changement, comme successeur à John Galliano, elle a choisi le belge Raf Simons pour être son nouveau directeur artistique.
Durant huit semaines, période de temps extrêmement courte pour penser, créer et confectionner une collection, on suit étapes par étapes l’élaboration des prototypes, les attributions des modèles, la découpe, le montage, les trois essayages (ou « fiftings ») obligatoires pour enfin travailler avec les tissus définitifs qui seront découpés, piqués et cousus avant d’en arriver au montage final des différents éléments jusqu’à ce que la création prenne vie lorsqu’elle acquiert son volume, et sublimée sur un mannequin avant d’être présentées et admirées par le monde entier.
Dior & I est un documentaire exceptionnel à plus d’un titre. D’abord parce que Raf Simons déteste par-dessus tout être filmé ne voulant pas devenir un objet d’adulation, remarque qui prouve sa grande modestie. Mais surtout parce que jamais auparavant, un réalisateur n’a pu se glisser dans les ateliers pour filmer au plus près ceux que l’on appelle encore et toujours les « petites mains » alors que leur travail créatif est immense. En effet, ils s’impliquent de façon très personnelle dans ce processus et c’est cette relation affective qui est mise en lumière.
Les deux ateliers, l’atelier Tailleur qui travaille la structure des vestes, manteaux et pantalons et l’atelier Flou qui crée les courbes des robes et des jupons, n’avaient que 8 semaines pour s’adapter à la nouvelle situation et produire une collection, alors que normalement ils disposent de près de 6 mois, entière tout en honorant les nombreuses commandes de la maison. Christian Dior disait lui-même que « Les ateliers sont des déchiffreurs de hiéroglyphes » on comprend aisément cette citation durant la projection du film. Leur travail est en effet essentiel pour interpréter et ensuite donner vie aux modèles.
Un peu à la manière du Rebecca d’Hitchcock, ce documentaire est construit sur le modèle du film de fantôme classique transformant l’idée de réincarnation de Christian Dior transmise par des images d’archives agrémentées de la voix d’un narrateur lisant ses mémoires. Comme si ce fantôme était toujours présent et hantait les couloirs de la maison Dior.
Tous ces éléments donnent un film très intime, dévoilant les secrets d’un art total souvent méconnu et méprisé par le plus grand nombre. De la création au défilé, une chaîne opératoire très complexe se déroule sous nos yeux. Après 55 ans et 5 directeurs artistiques (Yves Saint Laurent (1957), Marc Bohan (1960), Gianfranco Ferré (1989), John Galliano (1996) et enfin Raf Simons (depuis 2012) on se rend compte que rien n’a vraiment changé. La tradition de la haute couture est restée la même.