auteurs : Geneviève de Maupeou, Alain Sancemi, Lyonel Trouillot
éditions : Actes Sud
sortie : décembre 2015
L’introduction au dictionnaire de la rature est plutôt alléchante. Il y est question de l’usage des mots qui, parfois, « dé-nomminent » les choses plutôt qu’ils ne les qualifient. Comme le titre l’indique, la notion de rature est bien sûr au centre de la réflexion suggérée par l’ouvrage. Ainsi, raturer serait une « entreprise à la fois ludique et d’impertinence politique », une « entreprise politique », « collective » dont le but ultime serait de « tuer l’intelligence des mots anciens ou leur pauvre musique. » Bon… de là, à cerner pleinement la notion de rature, le pas est encore grand. Ce qui est sûr, c’est que nous n’aurons pas affaire à un lexique des mots les plus raturés par les écrivains dans leurs brouillons respectifs.
Brefs, intrigués par cette préface peu commune, nous nous attaquons aux entrées du dictionnaire à proprement parler. Et là, l’intrigue laisse place à la perplexité. Comment les mots sont-ils choisis ? Eh bien, subjectivement, arbitrairement. Et quel est le lien qui unit tous ces mots entre eux ? Les trois co-auteurs du dictionnaire ont estimé que ces mots ne méritaient pas vraiment d’exister, qu’il fallait les rayer des dictionnaires conventionnels car ils y font tâche. En voilà un programme !
Les définitions que l’on trouve à côté de chaque entrée sont de l’ordre de l’anecdotique. On fonctionne beaucoup par associations d’idées ou l’on rebondit sur les connotations liées à tel ou tel terme. Tantôt on encourage un lieu commun, tantôt on en déconstruit un autre. Heureusement, certaines définitions font preuve d’humour et de finesse, et nous prendrons pour appuyer notre propos l’exemple de « amicale (relation) » : Preuve que les philosophes avaient raison de dire que rien ne se développe de façon absolument égale.
Une autre qualité qu’il faut reconnaître à cet ouvrage, c’est son indéniable originalité, sinon son audace, puisqu’il s’agit du premier dictionnaire du genre. Y en aura-t-il d’autre ? Nous laisserons cette question en suspens…