Écrit par Martin Crimp et mis en scène par Michael Delaunoy, avec Anne-Claire, Serge Demoulin, Mikael Di Marzo et Pauline Serneels. Du 22 septembre au 10 octobre 2020 au Rideau de Bruxelles.
Des hommes endormis, à l’origine, est une pièce de Martin Crimp, dramaturge britannique. D’une conception récente (première publication en mai 2019), cette pièce se voudrait un questionnement sur notre société. Le texte, traduit en français par Alice Zeniter, nous semble pourtant énigmatique quant à ce qu’il souhaite nous transmettre. S’agit-il d’une tranche de vie quelque peu singulière ? Est-ce le thème de la violence ou encore de l’enfantement et de la génétique qu’il souhaite aborder ? Ou bien est-ce simplement une volonté de nous montrer toute la folie du monde ?
Il est 20h15 au Rideau de Bruxelles, ce mercredi. Un placeur nous accueille et nous installe « au cœur de l’action ». En effet, au centre des spectateurs, se trouve une sorte d’arène carrée où la magie est censée opérer. Autour, parmi les spectateurs, deux chaises vides attirent nos regards. Si nous ne pouvons nous y installer, que s’y passera-t-il ? De plus, de curieux sacs, semblables à des sacs de boxe, pendent au-dessus de la scène, de quoi mettre en haleine les curieux. Une annonce quelque peu humoristique nous informe des consignes à suivre, et le spectacle commence. A partir de ce moment, la magie semble manquer. L’histoire se déroule comme loin de nous, elle ne nous entraine pas. La mise en scène semble pourtant réfléchie, mais les ponts entre les scènes suspendent l’action. En effet, entre chaque partie, les lumières se tamisent, une musique lancinante se fait entendre et les acteurs, dans une lenteur voulue mais quelque peu dérangeante, changent de place – de quoi expliquer les fameuses chaises – et réorganisent le décor. Et que dire des scènes finales, avec les sacs qui tombent au centre de la scène ? Quel en est le sens ? Si le sang qui dégouline se veut plus parlant, son introduction nous fait hésiter. Au final, l’ensemble reste fort énigmatique.
Afin de mieux comprendre cette pièce, replongeons-nous quelque peu dans l’histoire. Il est 2h du matin. Julia et Paul, couple d’une cinquantaine d’années, discutent de l’absence dans leur foyer. L’absence d’enfant, l’absence de violence, l’absence d’amour. Quand soudain, Josefine, assistante de Julia, et Tilman, qui forment un couple d’une vingtaine d’années, débarquent chez eux. Les rapports entre les personnages sont vivants et nous pouvons alors applaudir l’énergie des acteurs, mais sommes également en droit de nous demander ce qu’il se passe. Pourquoi débarquer à cette heure-là, alors qu’aucune fête n’a lieu ? Et qu’est-ce que les rapports entre les personnages semblent nous dire ? Pourquoi celui-ci semble en colère contre celle-là ? Pourquoi celui-là parle-t-il de baiser à cet autre ? Et que signifient les discours des uns et des autres ? Nous pensions nous retrouver face à un questionnement sur le genre, la génération, la procréation, mais nous ne relevons pas de réelle question à travers les différentes actions. Ces thèmes sont certes abordés, mais nous n’avons pas la sensation d’être emmenés plus loin que notre propre réflexion, peut-être est-ce voulu ? Quant à la scène psychédélique de dance dénudée, si elle s’intègre parfaitement dans l’action, elle semble cependant dénuée de sens. Mais encore une fois, peut-être est-ce voulu ?
En conclusion, « des hommes endormis » semble être une pièce conçue non pas dans un but de simple divertissement mais plutôt s’inscrire dans une optique de questionnement sociétal, qui demande au spectateur une vigilance accrue. Bien que ces questionnements soient flous et que la mise en scène suscite tout autant d’interrogations, nous ne pouvons néanmoins nous passer de saluer la performance des acteurs qui ont su, malgré tout, insuffler une énergie agréable dans une pièce qui ne nous entrainait guère.