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    Démolition, un vrai moment de cinéma

    demolition poster

    Démolition

    de Jean-Marc Vallée

    Drame

    Avec Jake Gyllenhaal, Naomi Watts, Chris Cooper

    Sorti le 6 avril 2016

    Fait suffisamment rare pour être mentionné : Démolition fait partie de ces films qui rappellent aux cinéphiles pourquoi ils croient au cinéma.

    Il est des jours où nous entrons dans les salles obscures mains en poches et où, deux heures plus tard, lors du générique, nous nous levons, enfilons nos vestes et, alors que l’idée ronronnant de manger un bout nous assaille, nous remettons nos mains en poches et entamons une discussion quelconque sur le resto ouvert le plus proche. Notre désinvolture est à la hauteur de la qualité du film.

    Avec Démolition, c’est l’emprise. Les premières minutes, nous demandons à voir : David Mitchell (Jake Gyllenhaal) businessman-friqué-rasé-de-près-comme-il-faut travaille pour Phil (Chris Cooper), son beau-père et directeur de la boite qui se trouve, comme il se doit, au sommet d’un building avec vue sur tout Manhattan. Puis soudain, le scénario s’impose, s’huile, la narration s’enclenche. Plus un bruit dans la salle. Nous venons d’être conquis. Nous sommes aspirés par la beauté, l’humour, la poésie qui se dégage du protagoniste. Davis vient de perdre sa femme dans un accident de voiture. Mais l’aimait-il vraiment ? Nait en lui en sentiment qu’il ne connaissait pas : la curiosité. Nous souvenons-nous d’un film illustrant le propos avec tant de grâce ? La rencontre de Davis avec Karen Moreno, fille paumée interprétée par Naomi Watts, est à la fois grave et légère, absurde et terre-à-terre. Watts, à 48 ans, a rarement été si juste et semble s’épanouir au fil de sa carrière de comédienne. Pas une once de maquillage, les rides apparaissent, vivantes : la comédienne se livre toute entière en mère dépassée, aimante mais paumée. L’émotion qu’elle dégage nous ramène à nos propres turpitudes : avons-nous véritablement renoncé à l’enfance pour l’âge adulte ?

    Le jeune scénariste Bryan Sipe fait passer le personnage de Gyllenhaal d’une désarçonnante superficialité à une sorte de finesse éclairée par la direction concentrée de Jean-Marc Vallée.

    Nous rions franchement parfois, rire ponctué par le personnage interprété par Chris Cooper, seul à avoir les pieds sur terre, à nous prendre de son côté pour nous relâcher ensuite dans cette jungle, la folie destructrice (ou démolisseuse, plutôt) de Davis, folie joyeuse que nous préférons sans hésitation à la morosité wallstreetienne de ceux qui n’ont ni l’air de douter, ni de rêver.

    Une comédie dramatique soignée, humble et superbement écrite de laquelle nous émergeons avec douceur dès l’arrivée du générique : nous n’avons plus envie de remettre nos vestes, ni les mains dans nos poches. Nous voulons rester. Nous imprégner encore de cette unique et extraordinaire sensation éprouvée après un vrai moment de cinéma. Rare.

    D. T.
    D. T.
    Journaliste du Suricate Magazine

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