Scénario : Mona Granjon
Dessin : Mona Granjon
Éditeur : Rivages
Sortie : 12 avril 2023
Genre : Roman graphique
À quelques années d’intervalle, Demi-pensionnaires rejoue sur le papier ce que le film documentaire Adolescentes de Sébastien Lifshitz avait montré sur les écrans en 2019 : soit, sur un plus court laps de temps il est vrai, durant une année scolaire, les déboires romantico-sexuels maladroits de deux jeunes filles, Mona et Zoé, héroïnes de l’histoire, et de 2 garçons, Luc et Louis, élèves d’une école plus ou moins huppée, le collège Paul Valéry, quelque part en France. Leur amitié survivra-t-elle à cette dernière année avant le lycée ?
L’époque des premières fois est racontée dans un style simple et direct, du point de vue des gosses, en noir (gris) et blanc, sans chercher à mythifier le passé : les baisers baveux, les rumeurs sur qui l’a fait ou pas, en couple ou seul (grosse interrogation sur les agissements masturbatoires de Louis dans les vestiaires des garçons), les parents qui arrivent au mauvais moment. L’histoire rend aussi compte, de manière subreptice sans que cela ne devienne l’enjeu principal, de l’harcèlement de rue masculin, qui commence en sexualisant le corps de jeunes filles, ou des garçons de leur âge qui se croient permis de toucher et d’embrasser sans demander la permission.
Détails de la vie quotidienne
Mona Granjon raconte la vie telle qu’elle a pu avoir lieu, à l’époque révolue où Facebook était encore un réseau social jeune. Les petits détails de la vie quotidienne de Mona et sa pote Zoé tournent surtout autour des relations, amicales ou plus, qui se tissent, et de la honte, la tristesse, la peur ou la frustration qu’on ressent puissance mille, quand les choses ne se passent pas comme on aurait voulu (et elles ne se passent jamais comme on aurait voulu). La volonté de l’autrice est de faire la chronique de cet âge où les amitiés naissent et se défont, mises sous tension par la séparation scolaire, les héroïnes étant, dès le début de l’histoire, et pour leur grande horreur, réparties dans deux classes différentes, mais aussi par les relations avec l’autre sexe.
C’est donc le récit au demeurant plutôt sage et pudique d’une jeunesse blanche hétéro-normée du début du XXème siècle, avec toute la portée critique que l’on peut porter sur l’absence d’autres représentations que cela comporte, comme ce que la série Sex Education parvient bien à montrer, en se focalisant sur des adolescentes un peu plus vieilles peut-être (savoir si Louis s’est branlé semble important, par contre, aucune fois ne sera fait mention de masturbation féminine). Si Mona Granjon ne parvient pas à transcender l’anecdotique avec Demi- pensionnaires, on lit avec plaisir cet instantané adolescente, comme un retour en arrière d’une époque qu’on s’efforce de laisser dans les tréfonds de notre mémoire, là où on croyait que notre
vie se jouait dans l’échange de bave de notre premier baiser ou dans la cour de récréation de notre chère institution scolaire.