Titre : Demain dès l’aube
Autrice : Caroline de Bodinat
Editions : J’ai lu
Parution : 16 octobre 2024
Genre : Récit
Grande habituée des portraits, la journaliste Caroline de Bodinat dresse cette fois celui d’un secteur de l’ombre : les pompes funèbres. Pour ce faire, elle intègre la société Caton, une entreprise familiale de 250 salariés, active en France, dans la région du centre et à Paris et, telle une apprentie, s’immisce dans les professions du milieu : conseiller funéraire, maître de cérémonie, directeur de crématorium, marbriers, porteurs, thanatopracteurs,… . D’observation en participation, elle rencontre et fait parler ces travailleurs-passeurs. Terre-à-terre, sans mélo ou cynisme, l’autrice lève le voile sur ces métiers qu’on préfère ignorer.
Demain dès l’aube est un long reportage à la première personne sur le milieu des pompes funèbres plus qu’une enquête à proprement parler. Le livre relate l’immersion de Caroline de Bodinat dans le milieu : les raisons de son intérêt, le choix des pompes funèbres Caton, le souvenir du décès de ses proches. Et aussi la rencontre avec les professionnels de ce secteur, leur description physique, leur histoire familiale et leur rapport à la mort, etc. Tout cela personnalise le récit et met en avant des aspects moins connus, très concrets, du monde des obsèques : comment arrive-t-on à faire ce travail ? Comment évoquer, ou pas, son métier avec les amis, la famille,… lors d’une date ? Où les employés de pompes funèbres prennent-ils leur lunch, s’ils en prennent un ? Et c’est le point fort du récit : son humanité, la mise en avant des hommes et des femmes qui font ces métiers révérés, presque sacrés, mais parfois méprisés, jugés, car leur activité professionnelle concerne les (nos) défunts et la mort. L’autrice donne à voir la réalité de ces vivants qui côtoient quotidiennement les morts dans une société qui se garde bien d’y penser.
Cet atout du récit a pour contrepartie l’omniprésence de l’autrice. Certains détails de son immersion semblent répétitifs – la clope fumée, le café bu, comment telle personne l’a jaugée, les lieux de RDV inconnus du lecteur – etc. Cela fait vivre le récit, ou l’alourdit de détails superflus, selon le point de vue.
Par ailleurs, même si la fluidité du texte et les chapitres courts le font oublier, le sujet se révèle par moment technique. Les pompes funèbres suivent certaines étapes et codes, selon la tradition occidentale (moderne). Une explication préalable des us et coutumes en la matière auraient parfois aidé à comprendre la chronologie post-mortem. Certains passages décrivent également du matériel ou des lieux propres au travail des pompes funèbres, avec un vocabulaire spécifique. Si on a souvent bien une idée de ce qu’on lit, il aurait été intéressant de pouvoir s’aider de photos ou d’illustrations pour mieux visualiser ce dont il est question. Enfin, le livre aurait profité d’une mise en contexte historique et sociologique concernant les métiers de la mort.
Demain dès l’aube est un bel hommage aux travailleurs et travailleuses de pompes funèbres et une occasion de se questionner sur le rapport entre les vivants et les morts, les vivants et leur(s) mort(s), mais il ne marquera pas ses lecteurs.