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    Deepwater, un film catastrophe pour une vraie tragédie

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    Deepwater

    de Peter Berg

    Drame, Action

    Avec Mark Wahlberg, Dylan O’Brien, Kate Hudson

    Sorti le 12 octobre 2016

    Il n’est jamais facile de représenter au cinéma une tragédie réelle, d’autant plus lorsque les faits sont assez récents. C’est pourtant l’ambition de Deepwater, le dernier film de Peter Berg (Battleship, Du sang et des larmes), qui s’applique à reconstituer les événements qui ont amené à l’explosion de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon en 2010, causant le décès de 11 ouvriers, et créant par la même occasion un cataclysme écologique sans précédent. De cette tragédie, Berg réalise un film catastrophe relativement réussi, mais un hommage pour le moins problématique aux victimes.

    Le personnage central choisi pour le récit est Mike Williams (Mark Wahlberg), chef électricien de la plate-forme et père de famille, qui s’apprête à partir travailler trois semaines sur le Deepwater Horizon lorsque le film commence. Ces premières scènes de vie quotidienne, au cours desquelles il fait ses au revoir à sa femme (Kate Hudson, dans un rôle ingrat d’épouse inquiète) et sa fille, sont loin d’être insouciantes, puisque le désastre imminent s’annonce déjà au travers de quelques signes peu subtils : une bouteille de soda symbolisant le puits de pétrole explose, le couple évoque les risques encourus par le mari, etc. La menace d’un accident prend une forme encore plus réelle lorsque Mike et ses collègues apprennent qu’une série de tests de sécurité ont été annulés sur ordre de représentants de la société pétrolière BP, particulièrement anxieux de ne pas faire perdre de l’argent à leur compagnie. Face à la pression d’un cadre (John Malkovich, dans un rôle de méchant particulièrement cabotin), le chef de la sécurité (Kurt Russel) autorise le forage, provoquant la catastrophe tant annoncée. Le Deepwater Horizon et son puits de pétrole s’embrasent, plaçant la centaine de travailleurs qui s’y trouvent dans une situation cauchemardesque : piégés dans un brasier de pétrole au milieu du golfe du Mexique, condamnés à une mort certaine s’ils ne parviennent pas à s’en extirper.

    Au milieu de cette destruction très spectaculaire, il n’est guère surprenant que le personnage incarné par Mark Wahlberg devienne une figure héroïque, mais il est assez plaisant de constater que ses actes de bravoure restent (relativement) crédibles. Dans ses personnages comme dans sa mise en scène des événements, Deepwater représente la catastrophe avec un certain réalisme. Les personnages qui peuplent la plate-forme ne sont pas des super-héros, mais des ouvriers dont les conversations mélangent jargon technique, mauvaises blagues et démonstrations de virilité. Ce sont, et c’est un point sur lequel le film insiste, des personnes ordinaires prises dans une situation extraordinaire, capables d’actions courageuses comme de lâcheté. Même si leur caractérisation laisse souvent à désirer (inutile de chercher ici une quelconque profondeur psychologique), ce choix de rester à hauteur humaine est pour le moins rafraîchissant dans un film hollywoodien à gros budget.

    S’inspirant amplement du réalisme des « docudramas » de Paul Greengrass (Vol 93, Capitaine Phillips), Berg filme les événements caméra à l’épaule, donnant au long-métrage une esthétique prise sur le vif. Les tremblotements de la caméra ont pour contre-effet d’accentuer le chaos des scènes d’action, à un degré parfois indésirable. Les visages des personnages finissent ainsi par se confondre dans le désordre qui règne sur la plate-forme. Ce que le film gagne en vérisimilitude par cette technique, il le perd souvent en intelligibilité. Cela n’empêche pas les scènes d’action d’être particulièrement efficaces, représentant avec un réalisme confondant les épreuves infernales traversées par les personnages. L’horreur et le danger semblent toujours réels, faisant de Deepwater un spectacle anxiogène, éprouvant dans son horreur et palpitant dans ses enjeux.

    Malheureusement, Deepwater peine à donner un sens à ce spectacle de sang et de feu. Le film n’hésite pas à représenter BP comme le responsable principal de l’explosion, dénonçant le capitalisme effréné de la société pétrolière, mais met trop rapidement de côté sa colère, privilégiant les frissons de la destruction à un propos qui aurait été digne d’explorer. Le film semble aussi se vouloir comme un hommage aux victimes de la catastrophe, comme le suggère sa dernière séquence qui fait défiler leur nom et leur photographie, mais la focalisation de Berg sur le côté spectaculaire de la catastrophe et de leur mort entre en contradiction avec cette intention.

    Malgré son réalisme et ses apparentes bonnes intentions, Deepwater est une tentative pour le moins malavisée de reconstituer une réelle catastrophe.

    Adrien Corbeel
    Adrien Corbeel
    Journaliste du Suricate Magazine
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