Sans aucun doute, cette année, le festival liégeois proposait sur le papier une des affiches les plus alléchantes de l’été aussi quantitativement que qualitativement, avec notamment une programmation hip hop de très haut vol, quelques perles indies ci et là, des groupes rocks ayant déjà fait leurs preuves, seule la musique électronique fut un peu moins représentée, mais dans l’ensemble ça faisait envie.
Les Ardentes, pour beaucoup de Liégeois, est une occasion de se retrouver pour siroter une bière ou un petit Maitrank, tout en profitant du son et du cadre toujours agréable du site de Coronmeuse.
Mais cette année, le prix des places aura peut-être un peu découragé les habitués, résultat : moins d’autochtones, beaucoup plus d’étrangers. Moins de gens certes, mais une ambiance toujours aussi «ardente» et il n’y a rien à dire sur le plan de l’organisation, les Ardentes est un festival à la mécanique bien rodée.
On aura noté quelques petites améliorations non négligeables par rapport aux années précédentes : un effort certain sur l’aménagement des horaires, un espace chill out, un point d’eau accessible, des wc moins encombrés et du papier toilette en suffisance, car oui ça compte!
64.000 festivaliers auront donc défilé dans notre belle Cité pour profiter de quatre journées musicalement inégales, mais à l’atmosphère si conviviale presque familiale, qui font aujourd’hui des Ardentes un incontournable de la saison des festivals en Belgique.
Liège n’avait donc cette année rien à envier aux autres festivals.
Pour ma part cette édition est une réussite. Elle a retrouvé son équilibre des genres et des noms dignes d’un grand festival. Quelques petits bémols, tels que les retards inadmissibles de certains artistes ou des transitions humoristiques absolument ridicules et sans intérêt ou encore un manque d’éviers aux abords des latrines, non, aucun de ces petits défauts n’auront réellement ternis ce beau festival.
L’organisation avait réfléchi à des solutions pour améliorer l’acoustique du HF6, qui avait suscité de vives critiques l’année dernière. Cela a porté ses fruits lors de quelques concerts. Malheureusement, il reste encore beaucoup de travail. A moins que le festival n’investisse de nouveaux lieux l’année prochaine, mais des bruits de couloir nous font douter d’un tel déménagement en 2016.
Cette dixième édition fût donc un excellent cru, tant par l’envergure de l’affiche et la qualité des prestations, que par le soleil qui nous aura permis de profiter, peut-être une ultime fois, du très beau site du Parc Astrid.
Et puisqu’au final, c’est la Musique qui donne son dernier mot, et parce que les Ardentes est une messe musicale à la sauce lapin, j’ai décidé de décerner les Ouftis et les Non-dî-Djû de cette édition 2015.
Les «Ouftis ! (trop-cool-ti)»
Même si les Français de The Do m’ont divertie, jeudi, avec un set plein de peps, c’était bien le roi Kendrick Lamar que j’attendais avec impatience. Et Oufti! je ne fus pas déçue.
Kendrick Lamar, en tête d’affiche, c’était une exclusivité des Ardentes et la venue d’un maître du rap. To Pimp A Butterfly aura marqué 2015 et démontrera en 1h30 que sa réputation est méritée.
On démarre le concert avec Good Kid, m.A.A.d City, son disque précédent. Ensuite l’énorme Money Trees déchaîne les premiers rangs puis Backseat Freestyle. Le flow s’écoule au rythme des images de clips. Swimming Pool et je m’envole. Pas de DJ ce soir. Quatre vrais musiciens pour une meilleure musicalité, peut-être, mais par moment j’aurais étonnamment préféré le sample. Evidemment le triplé de ouftis musicaux I, King Kunta et Alright : énorme.
Bon c’est vrai, ce n’est pas aussi brillant que l’album. Mais quel charisme! Quel flow!
Et peut-être que l’album To Pimp A Butterfly n’est pas le plus approprié pour démontrer toute l’étendue de son talent. Ce qui laisse au roi Kendrick tout le loisir de nous surprendre la prochaine fois que nous le verrons.
Une prestation 3 ouftis!
Feu! Chatterton Un bel oufti moustachu.
Mis en avant au printemps par le radio-crochet des Inrocks, les cinq parisiens à la « popcarne » de Feu! Chatterton ont enflammé le HF6 le deuxième jour des Ardentes.
Ce groupe distille rock et littérature comme aucun de ses contemporains. Et Arthur, le chanteur, est d’une présence scénique énigmatique et fascinante. Entre Bashung et Bertrand Cantat. Entre la poésie des Romantiques et la rage du Rock n’ Roll. Et comme je m’y attendais, c’est bien sur scène que l’on peut savourer leurs chansons.
Sous une pluie de guitares électrisantes, La Mort Dans La Pinède revisite l’Amour Courtois et raconte les amours d’adolescents modernes, des amours tragiques, évidemment. La Malinche déchire les pages d’un univers à la sophistication décadente :«Madame je jalouse ce vent qui vous caresse prestement la joue». Irrésistible. A l’opposé, À l’aube, est aussi une chanson d’amour, virile et touchante dans une atmosphère vintage. Côte Concorde aurait pu être une chanson de Bob Dylan. Feu! Chatterton a fait mouche, et a ravi les festivaliers qui les découvraient. Un vrai moment «Ardentes», celui du petit groupe qui demain sera grand et que vous aurez eu la chance de voir avant les autres.
Parce qu’ils reviennent ces dandys, au Botanique, les 17 octobre et 15 mai, et oufti! je vous engage vivement à aller les (re)voir.
Hercules & Love Affair, méritera un bel Oufti en forme de licorne.
Après le tube Blind, Andy Butler, cet obsédé de l’univers gay, avait poursuivi son odyssée néodisco avec un album un peu décevant. Mais quelques vidéos Youtube m’ont enlevé mes derniers doutes et oufti! je n’ai pas regretté mon stop au HF6.
Pendant une petite heure, j’ai reçu l’esprit disco-house-paillettes. Bonne humeur, good vibes, et énergie. Les Hercules & Love Affair ont mis le feu avec leur house très rétro mais terriblement enthousiasmante.
Oufti Sacré Iggy Pop! Ce sont dans les vieilles casseroles que l’on fait les meilleures soupes. Pas de manières, ce dinosaure du rock balance No Fun, I Wanna Be Your Dog, The Passenger, Lust For Life.
Ce vieil iguane de 68 ans, est toujours au taquet. Bon c’est vrai, le corps ne suit pas toujours, mais l’énergie elle, est restée intacte.
Oufti pour la Diva Nicki Minaj! C’est ça aussi l’esprit des Ardentes, à manger et à boire pour tout le monde. Ce que fait la Queen Bitch n’est pas vraiment mon truc mais je voulais voir le show. Un peu de blahblah dans le micro, beaucoup de playback et de beats de discothèques, des tortillements suggestifs de l’arrière-train tout le long… Nicki Minaj a fait son taf, le HF6 affichait une température de 40°, le (jeune) public était déchaîné. Contrat remplis, merci au revoir.
Oufti pour De La Soul! De La Soul n’était pas là pour empocher son cachet et s’en aller vite fait bien fait. C’était groovy, c’était cuivré, c’était la «partyyyyyy» sur la grande plaine. Quel plaisir de ne pas être déçue! C’était une atmosphère feel good comme on les aime à Liège. Revenez quand vous voulez les gars.
Oufti pour Ben Khan! qui jouait dans l’Aquarium. Nous n’étions qu’une poignée pour apprécier cet artiste méconnu, puisque l’essentiel du public se partageait entre l’attente d’Iggy Pop et de Nicki Minaj. Disrupteur dans le paysage pop actuel, un peu funk, un peu house, un peu rock, un peu r’n’b bref un univers assez particulier qui bouleverse les conventions pop. Ben Khan utilise des samples riches, des percus distordues, un groove qui se perd souvent dans les drones. Dans l’Aquarium, c’était un petit moment suspendu dans le temps.
Oufti pour cet artiste que je ne connaissais pas: Slow Magic. Pas de chance pour lui, il jouait en même temps que les deux autres têtes d’affiche, mais je n’ai pas regretté mon intrusion dans l’Aquarium pour écouter quelques minutes cet étrange électro-percussionniste. A approfondir.
Oufti pour tous les artistes du label PIAS : BNRS, Oscar and the Wolf, Balthazar qui se sont produits aux Ardentes et qui auront été loin de faire de la figuration. La qualité des shows était exemplaire. Et quelle ambiance!
Pour finir ma vision de ces Ardentes 2015, je décerne mes «Nom dî djû» respectivement à Asap Rocky, Paul Kalkbrenner et Bakermat.
Nom dî djû Asap! Combien as-tu reçu pour te produire chez nous? Trop! J’aime le hip hop mais j’ai trouvé qu’il était sur-représenté cette année aux Ardentes. Trop d’argent consacré à des divas américaines qui s’octroient le droit de faire attendre le public 55 minutes, se foutant complètement des artistes qui les suivent et qui sont là aussi pour défendre leurs chansons.
Quelle déception Asap, quel manque de classe, quelle honte de se faire sortir de scène par le crew Ardentes. Et pourtant moi aussi j’aurais voulu voir ton show en entier, parce que oui y a pas à dire, tu sais chauffer ton public, tu connais l’art des préliminaires! Mais Asap Rocky fut l’éjaculateur précoce des Ardentes. Au moment où ça montait tu avais déjà fini.
Nom Dî Djû Paul Kalkbrenner! ce n’est pas parce que tu es un Berlino-hipster que tu as pu faire passer de la musique sauce David Guetta pour de l’électro de qualité.
Nom Dî Djû Bakermat! Quoi? En live tu ne joues même pas avec un vrai saxophoniste?! En plus pas de chance pour toi, les baffles crachaient tellement au HF6 qu’on ne discernait même plus les mélodies summer vibes qui ont fait ton succès…
Quatre jours intenses, physiquement difficile quand on veut voir tous les artistes nous intéressent. Mais comme toujours, la convivialité et la joie bon enfant des Ardentes auront pris le pas.
A l’année prochaine, pour vos 10 ans!