Et si, cette année, au lieu de se demander quel film regarder à Halloween, on se demandait plutôt ce que l’on pourrait écouter ?! Pourquoi pas un album brillant, riche, simple et pourtant complexe, sorti il y a déjà huit ans et passé un peu inaperçu ? Un album sur les zombies, loups garous et autres monstres fantastiques…
Et si on vous disait qu’en plus d’être un album diablement bien foutu, celui-ci est l’œuvre de rien moins que Ryan Gosling, accompagné de son copain Zach Shields ?! En effet, sept ans avant de dévoiler au monde ses talents de pianiste dans le multi-oscarisé La La Land, Gosling – dont la carrière n’avait pas encore réellement décollé – poussait déjà la chansonnette sur les douze pistes que compte Dead Man’s Bones.
Dead man’s Bones est un projet surréaliste lancé en 2007 alors que Ryan Gosling et son complice Zach Shields étaient tous deux en couple avec l’une des sœurs Mc Adams : Ryan avec Rachel, Zach avec Kayleen. Lors de leur rencontre, les futurs acolytes se trouvèrent tous deux une passion démesurée pour le Manoir Hanté de Disneyland et les histoires de monstres… De cet intérêt commun naîtra l’idée de créer une pièce de théâtre dans laquelle ils joueraient de la musique. Réalisant qu’ils ne parviendraient jamais à trouver le financement nécessaire pour un tel projet, ils enregistrèrent purement et simplement les chansons, donnant naissance à un album hanté.
Plusieurs règles furent établies pour procéder à l’enregistrement de Dead Man’s Bones. Premièrement, conscients de leur amateurisme, Zach et Ryan insistèrent sur la nécessité de ne pas utiliser de métronome durant les enregistrements, de manière à s’octroyer un maximum de liberté musicale. Dans cette optique, ils se forcèrent à jouer de tous les instruments utilisés sur l’album, afin de ne pas recourir à des professionnels [dans ce cadre, Gosling jouera du piano et du violon pour la première fois]. Enfin, ils décidèrent de ne pas réaliser plus de trois prises par morceau. La maxime présente à l’arrière de la pochette du disque illustre à merveille le processus créatif des deux amis : « Never let a lack of talent let you down » [Ne vous laissez jamais décourager par le manque de talent] !
Cette volonté de faire leur venait en fait de leurs précédentes expériences musicales. D’après Zach Shields : « On avait tous les deux fait de la musique auparavant, et tous les deux on avait détesté ça. On a travaillé avec des gens hyper professionnels, des musiciens accomplis. Et j’ai toujours eu l’impression – je pense que Ryan ressentait la même chose – que j’avais essayé de me hisser au niveau de toutes les personnes avec lesquelles j’avais joué sans parvenir à être aussi bon qu’eux sur le plan technique. Au cours de tous les enregistrements sur lesquels nous avions précédemment travaillé, toutes les personnes avec qui nous avions enregistré essayaient de faire de nous de bons musiciens, mais on était que des amateurs. Alors ils nous mettaient un métronome, on faisait un million de prises et ils AutoTunaient ma voix parce que je chantais mal ».
Ils créèrent ainsi un compte MySpace sur lequel ils affirmaient avoir pour influences « Disney Haunted Mansion, Doo Wop and 60’s girl groups ». Par la même occasion, ils livrèrent au public une première chanson intitulée For Weddings and Funerals qui sera plus tard réenregistrée et deviendra la onzième piste de leur disque.
Deux ans furent nécessaires à la création de l’album Dead Man’s Bones et les deux musiciens décidèrent rapidement d’associer une chorale d’enfants à leur projet, désireux de tendre davantage vers la pièce de théâtre pour enfants que du show façon Broadway. C’est ainsi qu’ils s’adjoignirent les services de la Silverlake Conservatory of Music Children’s Choir, une chorale d’enfants co-créée à Los Angeles en 2001 par Flea, bassiste des Red Hot Chili Peppers. Durant plusieurs mois, Gosling et Shields répétèrent avec la chorale chaque dimanche après-midi jusqu’à réaliser un enregistrement vidéo de la chanson In the Room Where you Sleep.
Shields déclara lors de la première interview du groupe que l’idée présente derrière l’utilisation d’une chorale d’enfants était que « leur imagination est vraie. Ils acceptaient et soutenaient chacune des idées qu’on pouvait leur proposer ». À la question de savoir si les enfants n’étaient pas rebutés par ces chansons aux thèmes macabres, Gosling répondit : « Non, bien au contraire, ce n’était pas encore assez tordu pour eux ».
Le 6 octobre 2009 sortait ainsi Dead Man’s Bones, un album qui, sous ses aspects chancelants, regorge de pépites et offre une musique rarement entendue, hantée, mélancolique et qui fait preuve ça et là d’une orchestration excessivement fine. En témoignent des morceaux comme Buried in water ou le merveilleux Werewolf Heart!
Les Inrocks ne s’y trompèrent pas et qualifièrent le disque de « Triomphe discret de l’intelligence », insistant sur la « beauté un peu sauvage, récalcitrante, dérangée » de cet album : « Un sortilège dont on ressort passablement ébranlé – mais qu’il est doux d’être ainsi secoué, purifié ». Dead Man’s Bones fut même cité parmi les meilleurs disques de l’année 2009.
Une fois l’album sorti, le groupe entreprit une tournée qui débuta le 21 mars 2010. Les deux musiciens eurent alors l’idée de recourir à une nouvelle chorale d’enfants dans chaque ville où ils joueraient, de façon à rendre les choses intéressantes et à faire naître de nouvelles idées. Au-delà de cela, chaque nouveau concert fit la part belle à divers talents. Contorsionnistes, magiciens et artistes de rue vinrent ainsi apporter leur touche personnelle à cette monstrueuse parade musicale. Un documentaire de 18 minutes présente cette tournée :
Dans la foulée des clips furent tournés pour les chansons Pa Pa Power et Dead Hearts.
Étrangement, depuis ce somptueux album, Ryan Gosling et Zach Shields n’ont rien sorti. Gosling s’est illustré au ukulélé dans Blue Valentine (2010), au piano dans La La Land (2016) et sa carrière d’acteur a réellement décollé après Drive en 2011. Il sortira également quelques chansons en solo : Put me in the car, You’re my favorite song et Wake .
Quant à Zach Shields, il est lui aussi retourné au cinéma, notamment en devenant producteur exécutif sur des films comme Krampus (2015) ou Godzilla : King of Monsters destiné à sortir dans le courant de l’année 2018.
L’album Dead Man’s Bones s’est lui aussi illustré au cinéma et a ainsi été utilisé dans les films Dollhouse (2012), La bataille de Solférino (2013) ou dans la bande son de The Conjuring la même année. La série télévisée Teen Wolf exploita également la chanson Lose your soul en 2011 (S01E10).
Pourtant, si les comparses de Dead Man’s Bones n’ont plus rien produit ensemble depuis la sortie de cet unique disque, d’autres chansons existent ! On trouve aujourd’hui encore sur YouTube assez d’éléments susceptibles de constituer un second album. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la qualité semble ici encore être au rendez-vous. En témoignent les chansons Name in stone, Beyond the Veil, Lost in the Night, I can’t grow old, Fire in the sky et Turn lights on.
Reste à espérer que tous ces morceaux recevront un jour les honneurs mérités et qu’un nouvel album verra le jour. En attendant, courrez acheter cet extraordinaire premier disque !