Scénario : Manu Boisteau
Dessin : Manu Boisteau
Éditeur : Casterman
Sortie : 07 juin 2023
Genre : Roman graphique
De l’amour et du hasard raconte l’histoire d’un homme qui cherche une idée pour son deuxième roman. Le premier s’est peu vendu, mais il a quand même reçu une avance pour son prochain livre. Cependant, notre héros est en panne d’inspiration. Sa vie amoureuse/sexuelle passe par les applications, son psychologue le fait chanter en l’obligeant à revenir dans son cabinet pour l’avoir mal caricaturé dans son œuvre littéraire, et le monde contemporain qui l’entoure ne l’intéresse pas. Ou peut-être que si, après tout ?
C’est une autofiction de Manu Boisteau qu’on imagine tenir dans les mains avant qu’elle n’en tombe après 30 pages. De l’amour et du hasard, pour faire bref, c’est un mec blanc hétérocentré de 50 ans qui se plaint. Narcissique, il ne parle que de lui. D’un cynisme complaisant insupportable, il croit dur comme fer qu’il faut souffrir pour être un artiste, avoir une vie de merde pour avoir de quoi écrire. Si c’est ça, être un artiste, non seulement il ne vend pas du rêve, mais ne laisse aucune place à la poésie. Ni sa plume ni son dessin (qui rappelle « les gosses » avec une très légère touche de Sempé) ne gardent la moindre illusion.
S’il est seul, c’est à cause de la société, c’est à cause des femmes. Aucune n’est assez bien pour lui. Il les dénigre toutes d’un ton condescendant, se sent supérieur parce que celle qu’il date n’a pas aimé ou « compris » Antonioni. C’est un homme pas déconstruit qui fait du manspreading dans les transports, harcèle les filles dans la rue sans le savoir, et est à la limite de vouloir expliquer ce qu’est le féminisme à son éditrice (« Tu connais Mona Cholet » lui demande-t-il ?).
La dépression d’un homme qui râle sur tout
C’est un homme blanc qui ne remet pas ses privilèges en cause, sauf lors de situations artificielles (sa rencontre avec un clochard loquace) ou des scènes « rêvées », qui n’apportent rien au récit. C’est un con qui râle sur tout, tout le temps, même sur la pluie et pour lequel on n’a aucune pitié, aucun sentiment d’attache.
Soi-disant une histoire romantique à l’époque de Tinder, l’amour, le hasard et les sites de rencontre se résument à peau de chagrin. Il en a marre d’être célibataire mais ne veut pas être en couple. Lui préfère les sauter toutes pour prétendre que ce n’était pas la bonne, trouver une excuse bidon pour ne surtout pas la revoir le lendemain, ne pas s’engager et se vautrer dans son malheur d’artiste qui produit des écrits sur sa vie qu’il cherche à rendre pitoyable au possible.
C’est un homme dépressif qui parle abondamment de tous ses problèmes, un Houellebecq sans humour, peut-être légèrement moins sexiste ou de droite. Un mauvais Woody Allen sans sujet et qui n’a rien à dire. Il décrit ses longues conversations avec son autre pote de 50 ans, qui lui ne peut imaginer une amitié sans sexe avec une fille et qui trompe sa femme avec une fille plus jeune de 25 ans, sa femme qu’il décrit juste comme une personne « pas chiante ». De l’amour et du hasard, c’est comme passer deux heures avec une personne dépressive et autocentrée, c’est horrible et chiant.