De Jah Mae Kân, avec Greet Wielemans, Louise Herlemont, Antoine Herlemont, Jah Mae Kân
Les 11 et 12 avril 2015 à 16h au Théâtre Poème
« Je parle la parole. Parle.
Je rythme la parole. Parle la parole.
Entre le doute et la lumière, toutes les épreuves de la traversée.
Entre la terre et l’autre terre, toutes les figures de l’étranger voyageur.
Mais la toute première figure de toutes les figures de l’étranger voyageur, c’est le silence.»
Ces quelques mots du texte de Jah Mae Kân, répétés plusieurs fois pendant le spectacle, transmettent le cœur de l’expérience partagée par Danses du verbe traversées. Pour mieux l’imaginer, il faut tout simplement voir un homme assis avec quelques instruments de percussions devant un texte qu’il récite, et une femme assise devant des bols métalliques qu’elle utilise pour créer divers sons. Le minimalisme avec lequel le tout est conçu n’empêche pas la grandeur de l’effet : le spectateur arrive à visualiser la formation du son.
Donner des coups à différents bols métalliques avec plusieurs bâtons pour transformer les fréquences physiques en notes musicales, tourner les bâtons autour des bols pour suspendre la note jusqu’à l’épuisement, verser de l’eau comme si on générait de la musique : Greet Wielemans varie les procédés pour générer de l’énergie positive à travers sa proposition de thérapie sonore. Son art nous rappelle que la musicalité est essentiellement physique : formes et matières, distances entres les corps, coups violents et tendres caresses.
Le texte parlé-chanté vient se marier à cette proposition et rythme les sons. Allitérations, assonances, rimes et poésie créent le rythme qui vient briser le silence. L’établissement d’un système sonore normatif répétitif permet l’insertion de variantes qui créent la beauté de la mélodie.
Par agitations, déchiquetages, et frictions, les fragments de base passés dans une organisation singulière forment un système nouveau qui se nourrit aussi bien de l’ordre des fragments que du désordre de leur lien. La parole et les sons explosent dans tous les sens sans manquer de dévoiler la nature d’un certain ordre musical ancré dans ce désordre. La femme se lève et la parole rythme le mouvement de son corps qui fait danser un drap rouge.
L’expérience du slam poétique partagée entre les deux personnes sur scène se tourne vers les spectateurs. On leur demande d’interagir, de répondre et de chanter. « Paroles rayonnent. Chant. Et que font les oreilles ? Elles écoutent le chant.» La performance interactive inspirée par les chants et les traditions bantoues rappelle les pratiques religieuses transcendantes.
L’implication du spectateur s’effectue aussi par la projection sur un écran d’une vidéo qui montre différemment ce qui se passe sur scène. On y voit par exemple un gros plan de l’eau réagir avec le bâton qui tourne autour, ou la femme tourner avec son drap rouge. La surimpression de différents plans plus tard en crée un effet troisième qui permet au spectateur de se fondre dans l’espace.
Danses du verbe traversées est une invitation au voyage, une expérience transcendante de laquelle le spectateur sort relaxé et plein d’énergie positive. Le spectacle nous rappelle que le son est surtout visuel : la musique a ses formes et ses rondeurs, le corps a une voix et la voix a du corps.