Crawl
d’Alexandre Aja
Horreur
Avec Kaya Scodelario, Barry Pepper, Ross Anderson, Morfydd Clark, Colin McFarlane
Sorti le 24 juillet 2019
Habile technicien assez vite passé du modèle économique relativement modeste d’un « petit » film de genre hexagonal (Haute tension) à la « grosse » machinerie hollywoodienne (le remake de La Colline a des yeux), le français Alexandre Aja avait atteint une sorte d’apogée de subversion et de maîtrise de son art avec Piranha 3D, avant de signer deux films un peu plus confidentiels. Le voici donc de retour à une plus grande visibilité – en tout cas à la sortie en salle, en plein été – avec Crawl, un « survival » se voulant tendu et chiadé.
On y suit Haley (Kaya Scodelario), nageuse de son état qui, lors d’un ouragan de catégorie 5 en Floride, contourne les barrages de police pour aller récupérer son père (Barry Pepper) dans la maison familiale. Là, la jeune femme et son paternel se retrouvent pris au piège des sous-sols inondés de la maison, dans lesquels rôdent également des alligators échappés d’une réserve avoisinante. Les bases sont donc jetées pour une heure et demie de démonstration de force visuelle lors de laquelle Aja montre les muscles en permanence.
Techniquement très tenu et même visuellement assez beau, Crawl agace pourtant assez vite, principalement par son aspect performatif, voire compétitif. Le film est un exemple parfait de ce cinéma de petits malins sûrs de leurs effets et de leur « métier », avec l’ambition affichée d’en mettre « plein la vue ». Chaque plan de Crawl apparaît ainsi comme un défi qu’à dû se lancer le metteur en scène (filmer dans l’eau, dans des sous-sols, etc.) et qu’il ne s’est donc pas privé de relever au vu et au su de tous.
En dehors de cet aspect performatif assez agaçant, le film traîne avec lui une autre tare majeure, celle de la psychologie de comptoir. Le fait que Haley soit seule avec son père, avec lequel elle entretient « forcément » une relation compliquée – « daddy issues », comme disent les américains –, est l’occasion rêvée pour Aja ou pour ses scénaristes (Michael et Shawn Rasmussen) de disserter tels de mauvais étudiants en psycho, cancres du fond de la classe, sur l’œdipe caractérisé trimballé par son personnage principal. Crawl s’offre donc le luxe de livrer deux films balourds pour le prix d’un : un « tour-de-force » à suspense et un mélo familial à tendance psychanalytique.
Derrière le bel objet tout clinquant qu’est Crawl, derrière la belle façade du film de genre pur et dur, de « survival bad-ass » que les méchants intellectuels trop critiques ou trop distanciés seraient incapables d’apprécier à sa juste valeur, se cache en réalité l’œuvre de faiseurs qui ont la volonté manifeste, même pas voilée, d’intellectualiser le genre, à la fois en le théorisant jusqu’à l’épuisement dans sa réalisation, et en y ajoutant une couche psychologisante par-dessus, tel un douteux cache-misère probablement destiné à appâter ceux pour qui le cinéma n’est rien sans une bonne dose d’explication.