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    Coups de coeur littéraires du Suricate, ces livres qui ont marqué 2024 !

    Alors que nous nous remettons à peine de la prodigalité des fêtes de fin d’année, alors que notre estomac récupère seulement des excès de foie gras et de champagne, nous voilà repartit pour une nouvelle rentrée littéraire qui promet d’être copieuse. L’occasion pour l’équipe du Suricate de faire un point sur ses coups de cœur de l’année écoulée et de vous proposer quelques pépites qui vont vous régaler. 

     

     

     

    Roman

    Le Déluge de Stephen Markley (Albin Michel)
    Coup de coeur de Cheyenne (responsable de la section littérature)

    Il s’était fait connaître du public francophone avec Ohio, sorti en plein cœur de l’étouffante année 2020. Cet été, Stephen Markley a accouché d’un Déluge. Son nouveau livre pèse près d’un kilo avec ses mille pages et est entièrement dédié au réchauffement de la planète. De quoi en refroidir plus d’un. Et pourtant… ce serait passer à côté d’un phénomène climato-littéraire de grande ampleur. Dans ce projet ambitieux, les voix de plusieurs personnages se répondent. Ils sont, entre autres, drogué, experte en communication d’entreprise ou encore aspirant écrivain. Mais tous sont concernés par les catastrophes naturelles qui s’enchainent désormais. Un chef-d’oeuvre qui mélange réalité et fiction pour porter un sujet brulant d’actualité.

    Le couvreur et les rêves de Kiyoko Murata (Acte Sud)
    Coup de coeur de Vincent (responsable de la section bande dessinée)

    Cet ouvrage est la parfaite illustration de ce que la littérature japonaise contemporaine peut apporter de poésie et d’imaginaire aux lecteurs, car Kiyoko Murata évoque le domaine des rêves de manière si peu conventionnelle et car seuls les auteurs japonais réussissent à captiver leur public en parlant de sujet a priori banal.

     

    Du Coté Sauvage de Tiffany McDaniel (Gallmeister)
    Coup de coeur de Cheyenne (responsable de la section littérature)

    Tiffany McDaniels continue à réveiller la part de férocité des Etats-Unis. Après avoir exploré le thème du racisme, à travers les violences subies par les amérindiens (Betty) et les afro-américains (L’été où tout a fondu), la jeune autrice prometteuse s’attaque à un gros morceaux. Un fléau tel qu’on le qualifie de pandémique. La crise des opiacés. La mère des jumelles aux cheveux de feu brule la vie par les deux bouts. La négligence et la pauvreté que subissent les fillettes sont les conséquences de son addiction à l’héroïne. Heureusement les deux princesses sont riches de leur imagination. Plus tard, elles deviendront même des reines. Mais leurs couronnes seront serties d’épines. Comme à son habitude, Tiffany McDaniels transforme la douleur en poésie, dans ce troisième roman à la hauteur des deux premiers.

    La voie des ombres de Brent Weeks (Bragelonne)
    Coup de coeur de Sara (rédactrice)

    L’époque est indéfinie, peut-être le haut Moyen-Age ou l’ère Victorienne, la pègre contrôle alors les bas-fonds de la cité, où des gangs d’enfants prolifèrent. Les « rats » vivent dans des conditions terribles. Dans ce monde cruel, Azoth voit une chance de changer son destin, même si cela signifie risquer ce qu’il a de plus précieux. Son évolution, de jeune garçon désespéré à assassin déterminé, est à la fois crédible et poignante. Les thèmes de l’identité et du sacrifice sont explorés avec subtilité, faisant écho aux luttes internes de nombreux protagonistes de fantasy. Brent Weeks se distingue par son écriture concise, à l’instar d’autres auteurs qui perdent en détails superflus, sa narration est claire et directe. L’histoire d’un orphelin en quête de sens se transforme en une épopée mêlant politique, magie, guerre, légendes et réflexions morales. Chronologie fluide, continents traversés, personnages fascinants : les éléments s’assemblent logiquement, maintiennent l’intérêt avec action, suspense et moments de réflexion. Les scènes d’action, bien rythmées, ajoutent une tension captivante qui pousse à tourner les pages.

    Histoire d’une domestication de Camila Sosa Villada (Métailié)
    Coup de coeur de Adrien (rédacteur)

    L’histoire d’une comédienne trans argentine racontée sur une semaine ou deux, alors qu’elle joue une pièce de Cocteau sur scène. Mariée à un homme homosexuel avec qui elle a adopté un enfant, ils se rendent un week-end chez ses parents à elle, en dehors de la grande ville, en dehors des codes culturels qu’ils connaissent. Si les personnages n’ont pas de prénoms, la narration est assez complexe dans la manière d’explorer le passé de cette comédienne et sa relation avec sa famille. Le sexe est très présent, très cru, très cul. Pas de romantisme sexuel, c’est un besoin de relâcher la pression pour pouvoir mieux manipuler les autres et les rabaisser, les écraser par après. C’est malsain et très fort à la fois.

    Assistant to the Vilain de Hannah Nicole Maeher (Calix)
    Coup de coeur de Sara (rédactrice)

    L’autrice joue avec les codes du conte et y injecte une dose de modernité, d’audace et d’esprit tellement pertinente. L’approche est maligne, les dialogues sont parfaits et l’ambiance possède ce petit côté lunaire et perché que l’on retrouve souvent dans les œuvres de Wes Anderson. Une écriture, une excentricité et un rythme digne d’un Grand Budapest Hotel, offrant tout ce qu’on attend d’une cosy fantasy : enchantement, surprise et une irrésistible envie de continuer. Les personnages sont extrêmement attachants, incarnant presque tous les archétypes de l’univers fantastique traditionnel. Là où l’autrice excelle, c’est qu’elle combine ces éléments dans un style presque cartoonesque et y intègre une comédie sentimentale irrésistiblement drôle et touchante. Et que dire du final ! Qui nous promet une suite bien différente. On peine à croire que c’est la première œuvre de l’autrice tant les qualités sont nombreuses. Pour une première, c’est fichtrement prometteur. Une cosy fantasy irrésistible !

    Vous vouliez ma chaleur, vous aurez mon feu de Paulo Higgins (Hors D’atteinte)
    Coup de coeur de Adrien (rédacteur)

    Récit d’un personnage trans, Mario, qui de retour une semaine sur Paris, se remémore sa vie là-bas, et le début de sa transition. En tant qu’homme trans avec une chatte, comme il se décrit, Mario est un témoin extraordinaire des masculinités contemporaines. C’est un livre qui est un complément fictionnel de « Masculinités » de l’autrice académique Raewyn Connell. C’est un récit beau et triste d’un jeune qui décrit la violence et la peine, ses amours tristes et ses envies sexuelles, mais qui célèbre surtout l’amitié queer.

    La première née de Amy Harmon (Editions Charleston)
    Coup de coeur de Sara (rédactrice)

    La Première-née est un texte d’une douceur, d’une tendresse et d’une poésie folles. L’autrice possède un véritable talent pour donner vie à des personnages tellement consistants qu’ils en deviennent presque palpables. Nous y avons aussi décelé un soupçon de tragédie classique avec une accointance certaine pour les œuvres des sœurs Brontë. Il y avait comme une ombre de Jane Eyre et de Heathcliff à travers ses pages. C’est aussi une œuvre qui souligne intelligemment le machisme et la misogynie ordinaires et qui expose de manière poétique l’importance des femmes dans le monde. La Première-née est un récit d’une grande qualité littéraire, elle possède une sensibilité, une intelligence et un réalisme qui nous a littéralement bouleversé tant pour l’affection et la tristesse qui nous ont étreints à la fin de notre lecture. Le seul mot qui convienne à cette œuvre est beauté. C’est une ode à la beauté des sentiments nobles, à la beauté de toutes les formes d’amour, à la beauté de la rudesse des épreuves mais aussi à ce que la vertu de cœurs nobles peut combattre. Il ne faut pas passer à côté de cette histoire parce qu’elle fait tellement du bien au cœur.

    Saison toxique pour les fœtus de Vera Bogdanova (Actes Sud)
    Coup de coeur de Vincent (responsable de la section bande dessinée)

    Le livre parle d’une société malade, car plus celle-ci dysfonctionne, plus ses dirigeants tentent de la montrer forte aux yeux du monde par des mesures répressives… Dans Saison toxique pour les fœtus,Vera Bogdanova décrit mieux que quiconque les dysfonctionnements d’une société patriarcale, les ravages d’une société alcoolisée et faible par nature qui voit sa population dépérir d’année en année, sans que sa jeunesse, si elle n’a pas fuit à l’étranger, veuille renverser la vapeur. 

     

     

     

    Poche                                                  

    Les éclats de Bret Easton Ellis (10/18)
    Coup de coeur de Cheyenne (responsable de la section littérature)

    Après une abstinence de treize ans à la fiction et un coming-out, la sortie de son nouveau livre en grand format ne pouvait être qu’ultra-médiatisée. En mars 2023, toute la presse l’attendait au tournant. Et il faut dire qu’elle n’a pas été déçue. La critique est dithyrambique. C’est le livre vers lequel tous ses précédents mènent. Le récit originel où l’on rencontre un jeune Bret entamant, chancelant, son premier manuscrit. Il a alors 17 ans. Il vit dans une sorte d’exaltation perpétuelle, de drogues et de fantasmes. Mais sa léthargie adolescente est entravée d’abord par la découverte de son homosexualité qu’il n’arrive pas à assumer et ensuite par une série de meurtres tragiques. Un livre qui brise les codes de l’autobiographie, s’amusant du lecteur qui ne cesse de se demander où se trouve la vérité.

    Si je dois te trahir de Ruta Sepetys (Folio)
    Coup de coeur de Vincent (responsable de la section bande dessinée)

    Le monde a bien besoin d’une révolution, car les tyrans semblent toujours immortels, alors que l’histoire récente nous montre que tout peut basculer en quelque jours…Dans Si je dois te trahir, Ruta Sepetys ne décrit pas uniquement la révolution qui entraîna la chute du tyran roumain, mais également le climat de peur permanent, l’ambiance schizophrénique et sordide, qui minaient toutes les relations sociales au sein de la société roumaine de l’époque.

     

     

    Essais et autres livres

     

    Le voleur d’art de Michael Finkel (Machialy)
    Coup de coeur de Vincent (responsable de la section bande dessinée)

    Si vous ne l’aviez pas appris via cet ouvrage, vous ne l’auriez pas cru. L’histoire évoquée embaume le parfum des années 80 et 90, une époque où le monde n’était pas connecté et une confiance aveugle dans les règles de savoir-vivre semblait encore subsister… Le voleur d’art car Michael Finkel décrit une aventure qu’Hollywood ne pourrait raconter, tant celle-ci est rocambolesque…

    Vous ne me trouverez pas sur Amazon de Laurent Mauduit (Divergences)
    Coup de coeur de Cheyenne (responsable de la section littérature)

    Que la presse soit devenue le nouveau jouet de quelques multimilliardaires, et que ce monopole peut avoir des conséquences sur la transparence et le pluralisme de l’information, est un secret de polichinelle. Et pourtant, Mauduit nous prévient qu’il serait temps de redoubler de vigilance. Les ennemis du quatrième pouvoir, pivot de nos démocraties, ne sont plus seulement des hommes aux poches bien remplies. Ils prennent également la forme bien plus insidieuse d’outils numériques qui nous sont devenus indispensables. Et surtout, le terrain de jeu de ces prédateurs s’élargit. La presse ne leur suffit plus. Le monde littéraire est en proie à des restructurations oligarchiques, poussées à nouveau par les puissances financières d’un côté et numériques de l’autre. Un essai essentiel pour comprendre les jeux de pouvoir que cachent les journaux et les livres.

    Le Splendid par le Splendid (Le Cherche Midi)
    Coup de coeur de Loïc (Fondateur, rédacteur en chef et responsable scènes)

    Dans les sorties marquantes de 2024, se trouve le livre sur la troupe du Splendid écrit par ses membres. L’impact de la troupe du Splendid sur le cinéma actuel est toujours bien présent, que ça soit en bien ou en mal et leur histoire reste une épopée unique. La dramatique actualité – lé décès de Michel Blanc- a rendu d’autant plus essentiel cet ouvrage qui réserve quand même deux trois surprises comme des photos inédites ou la présence et le regard neutre du septième membre, souvent oublié, Bruno Moynot. Un incontournable pour les fans de cinéma.

    A la recherche du vivant de Lida Turpenen (Autrement)
    Coup de coeur de Vincent (responsable de la section bande dessinée)

    Si vous vouliez un exemple précis de l’extinction des espèces, de ce que la cupidité, la bêtise et l’arrogance humaine font subir à des millions d’espèces animales et végétales, ce livre est fait pour vous… Dans A la recherche du vivant, l’écriture de Lida Turpenen est accessible, plus qu’un rapport du GIEC, et si celle-ci plante la graine de la réflexion dans l’esprit de quelques lecteurs, ce serait déjà formidable.

    Varlam de Michaël Prazan (Rivages)
    Coup de coeur de Vincent (responsable de la section bande dessinée)

    Y est décrit ce que le pouvoir russe veut cacher. Varlam va à l’encontre de la normalisation et de la réhabilitation de la période stalinienne, car derrière les réussites de la période soviétique, il y avait très souvent du travail forcé… Varlam est un excellent complément à ce que vous auriez pu lire sur le goulag, sur ses millions de gens qui y ont été déportés, et sur le fait que malheureusement, les méthodes actuelles s’inscrivent dans la continuité de la période soviétique.

     

     

    Bande dessinée

     

    Au-dedans de Will McPhail (404 Editions)
    Coup de coeur de Adrien (rédacteur)

    C’est le roman graphique le plus puissant de l’année qui raconte la découverte du risque de l’émotion et de l’échange avec les autres, de la part d’un homme qui se tenait en retrait de lui même. Nick, jeune illustrateur vivant dans une grande ville, s’essaie soudain à une dangereuse pulsion : il rentre en contact avec les gens, en leur posant de vraies questions et en s’intéressant à leurs vies. La mort est proche alors autant essayer de faire quelque chose de sa vie. En plus d’être drôle et puissant, on tient dans les mains un ouvrage qui semble avoir été pensé et réfléchi dans sa globalité, de sa première de couverture à la matière même des pages.

    Le roi méduse de Brecht Evens (Actes Sud)
    Coup de coeur de Cheyenne (responsable de la section littérature)

    Il a fait de la folie des bandes dessinée. Il imprime sur le papier une sorte de démence graphique, diluée dans des encres colorées et déformée par des perspectives impossibles. Ses histoires sont excentriques. On ne le présente plus dans le monde du roman graphique. Il s’agit de Brecht Evens. En 2024 sortait Le roi méduse, son dernier et le premier d’un dyptique qui s’appuie sur une relation père-fils nourrie de conspirationisme. Pour mener leur combat contre les forces obscures, ils s’engagent dans un entrainement intensif tant sur le plan physique que mental. Et pendant ce temps, des personnages bigarrés nourrissent ce récit qui est peut-être l’un des meilleur de l’auteur flamand.

    Dragon Ball Full Color
    Coup de coeur de Matthieu (Directeur de publication – responsable cinéma)

    Pour qui ne lit jamais de manga, c’est plutôt une madeleine de Proust. L’histoire n’a rien d’original, la lecture non plus, mais l’apport de la couleur dans un genre qui est dénué rend l’objet collector et unique. Un autre regard qui croise les mangas noir et blanc lus dans notre enfance et les épisodes télévisés du Club Dorothée. Rien de neuf sous les tropiques mais c’est le kiffe. 

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