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    Connasse, Princesse des cœurs

    connasse affiche

    Connasse, Princesse des cœurs

    de Noémie Saglio et Eloïse Lang

    Comédie

    Avec Camille Cottin

    Sorti le 6 mai 2015

    Depuis 2013, Camille Cottin est « la Connasse », sur Canal +. Une vraie de vraie, qui révèle son potentiel insupportable dans de brefs sketchs réalisés en caméra cachée, où elle se confronte aux « vraies gens », dans les parcs, sur la plage, chez le concessionnaire… et, quand elle daigne s’y aventurer, en Province. Car la Connasse est un pur produit parisien, évidemment : capricieuse, irritable, sophistiquée, égocentrique, armée d’une mauvaise-foi et d’un sans-gêne déconcertants, elle balance à tous ceux qui ont le malheur de se trouver en travers de son chemin des réflexions aussi corrosives qu’odieuses. Avec une assurance désarmante, elle n’hésite pas à répondre « non, c’est la chaise de mon sac » à la jeune fille qui lui demande si elle peut prendre le siège inoccupé à côté d’elle à la terrasse d’un café, conseille un couple gay en désignant celui qui devrait donner le sperme, « pour le bien de l’enfant », se renseigne dans une boutique de Saint-Tropez pour savoir si « c’est un magasin pour enfants ou juste des vêtements de cagoles ? » et opte pour une flûte de pan dans un magasin de musique, pour faire comprendre à sa copine qui a acheté un poncho que c’est un « fashion faux-pas ».

    Bref, on déteste la Connasse et même si elle glisse parfois vers la facilité et se vautre souvent dans le mauvais goût, on aime bien le côté cinglant de Camille Cottin, son effronterie et sa capacité à saisir toutes les expressions de la vraie connasse parisienne, que l’on croise hélas dans la vie réelle et qui n’est pas loin de ressembler à son personnage, en moins trash et moins drôle.

    Avec Connasse, Princesse des cœurs, Camille Cottin migre sur grand écran et s’embarque pour l’Angleterre. La Connasse, déçue de ne pas pouvoir hériter de sa propre mère de son vivant, ne voit en effet qu’une solution pour mener une vie à la hauteur du destin grandiose qu’elle mérite : épouser un prince (parce que la sueur des footballeurs s’incruste dans les rideaux Versacce et que les banquiers finissent par être sujets à d’immondes problèmes gastriques en prison). Elle jette son dévolu sur le Prince Harry et part à sa recherche à Londres, où elle balade ses répliques de connasse made in Paris auprès de chauffeurs de taxis, du personnel des hôtels, de stylistes, de joueurs de polo ou de dog-walkers.

    Malheureusement, dans l’ensemble, le charme de la Connasse n’opère pas. Est-ce dû au passage sur grand écran ? Sans doute : le scénario, très écrit, laisse moins de place à l’improvisation et à la touche personnelle qui nourrit les sketchs. Camille Cottin apparaît moins à l’aise, moins spontanée et sa causticité tombe parfois à plat. Comme tout repose sur des mises en situation ponctuelles, le récit a du mal à prendre corps et à trouver son équilibre : le film tourne en rond, l’humour lasse et le dénouement de l’intrigue n’est pas loin d’être bâclé. Malgré plusieurs passages vraiment drôles et l’amorce de quelques pistes narratives prometteuses, le format long semble décidément ne pas convenir à la Connasse.

    Peut-être est-ce aussi l’Angleterre qui lui fait perdre de son punch. Elle, si parisienne, prend en effet toute sa saveur dans le contexte français, tant elle joue sur les stéréotypes parisiens, les codes de la branchitude et l’opposition Paris/Province. On aurait volontiers accompagné la Connasse faire un tour outre-Manche, mais juste un petit tour. Le temps d’un épisode de quelques minutes, avant de la ramener au pays, qui regorge de recoins encore inexplorés où son style ferait merveille.

    Emilie Garcia Guillen
    Emilie Garcia Guillen
    Journaliste du Suricate Magazine

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