Comment c’est loin ?
d’Orelsan et Christophe Offenstein
Comédie dramatique
Avec Orelsan, Gringe, Seydou Doucouré
Sorti le 23 décembre 2015
Aurélien et Guillaume, alias Orelsan et Gringe, vivotent à Caen. Si leur envie de faire du rap est bien présente, leur paresse naturelle et les aléas de la vie les ont rapidement éloigné de leur but. Leurs producteurs ne tardent pas à leur lancer un ultimatum : ils les abandonneront s’ils ne parviennent pas à se remettre à la musique, ou au moins à livrer un titre qui pourrait s’adresser à un large public.
Le synopsis ne sera pas étranger aux fans des Casseurs flowters (groupe de rap composé d’Orelsan et de Gringe). En effet, il reprend en partie la trame principale qui sous-tendait leur premier album commun, déjà structuré sous la forme d’une journée. En allant jusqu’à en récupérer quelques morceaux, ou à en livrer des suites (avec une nouvelle version de Deux connards dans un abribus), les deux rappeurs laissent craindre le fait qu’ils ne fassent rien d’autre que de le mettre en image. D’où une première impression peu agréable de déjà connaître l’histoire racontée. Heureusement, le long-métrage développe ses scènes de manière poussée, apportant assez d’éléments nouveaux pour se révéler probant de manière indépendante.
Autre défaut du film lié à sa partie musicale, malgré une bande originale soignée et inspirée : la difficile intégration de certains segments. Si Comment c’est loin s’avère convaincant lorsque la musique intervient à même le récit (que ce soit lors de la session freestyle, ou dans la scène touchante entre Orelsan et sa grand-mère), l’utilisation par moment d’une narration rappée s’avère plus problématique. Dans son superbe Ill manors, Ben Drew (alias Plan B) utilise ce procédé dès le départ, en en faisant un choix narratif assumé, participant d’une direction artistique cohérente dans sa globalité, de par la présence même d’un narrateur.
Ici, l’utilisation de cette technique aboutit à un résultat plus mitigé. Les textes d’Orelsan et de Gringe sont bien trop construits pour qu’on puisse s’imaginer les personnages en train de les improviser en fonction des situations qu’ils vivent. Au lieu d’inclure pleinement les scènes dans la narration, les moments rappés les en dissocient ainsi au contraire, se contentant de mettre en mots les sentiments des personnages. Ce qui, au final, trouve toutefois une forme de justification, dans le fait que les morceaux développent la facette musicale introspective des deux héros, entrant en adéquation avec le mélange comédie/drame du film.
Si le rap est bien présent, que ceux qui ont découvert le duo avec la série Bloqués se rassurent : le groupe n’a rien perdu de son humour et livre quelques passages mémorables. Plus important, il trouve ici l’espace nécessaire permettant d’apporter du fond à son univers, difficile à développer dans un format court. Car Comment c’est loin revêt des atouts de comédie générationnelle et se construit avant tout autour d’une histoire de prise de responsabilité classique, où les vannes parfois cinglantes n’en mettent pas moins en valeur le malaise des principaux protagonistes.
On pense immédiatement aux films de Judd Apatow. Mais là où de nombreux films de ce dernier présentent des personnages qui accèdent au final à une forme de «normalité», sans évoquer la cassure qui pourrait s’en suivre, ici, tout est relativisé par une scène post-générique bienvenue.
Ce constat met en valeur la principale qualité du long-métrage : celle de porter un regard qu’on imagine sincère sur ses protagonistes, lui permettant de souvent sonner juste. À ce titre il convient de souligner une interprétation à l’avenant.
Il n’en faut pas plus pour que Comment c’est loin se révèle à l’image de ses héros : pas exempt de défauts, mais néanmoins attachant et fortement sympathique.