Titre : Combattre la criminalité : une urgence démocratique
Auteur : Michel Claise
Éditions : Racine
Date de parution : 28 octobre 2024
Genre du livre : Essai
Les menaces qui pèsent sur la démocratie semblent la mettre en péril, à moins d’un sursaut salvateur. Michel Claise l’espère et, à travers cet essai, vise à faire prendre conscience de l’ampleur inédite de la criminalité organisée et de l’impuissance des politiques à y faire face.
Écrire sur les déclinaisons du crime, c’est se confronter au mystère du mal. Michel Claise s’y attelle, dans un esprit didactique, bien que son style rocailleux, alourdi par les citations de rapports et autres documents d’appui, freine parfois la fluidité du propos. À travers un catalogue raisonné des crimes démocracides – atteintes à l’environnement, terrorisme, narcotrafic ou encore cybercriminalité – l’auteur met en lumière l’ampleur et la diversité des méfaits perpétrés par les organisations criminelles.
L’amour de l’argent serait la passion à l’origine de tous les crimes, fors quelques-uns que l’auteur prend soin d’énumérer, tels que la diffamation ou les violences sexuelles. On peut toutefois regretter que Michel Claise n’ait pas jugé utile de développer le sens de cet amour de l’argent, se contentant d’en illustrer l’ancienneté par une référence à la Bible. En procédant ainsi, l’auteur exprime une vision de l’Homme empreinte de fatalisme – ce fatalisme qu’Auguste Blanqui qualifiait de « maladie mentale des plus dangereuses ». Certes, l’auteur a de bonnes raisons d’adopter ce point de vue, lui qui sait combien les organisations qu’il vilipende brassent des milliards. Cependant, cette perspective l’enferme dans un cadre conceptuel restrictif, limitant les réponses envisageables au problème qu’il soulève et le conduisant à privilégier une solution essentiellement répressive.
On gagnerait à méditer davantage ces lignes de Herman Melville: « Vous pensez que l’argent est l’unique motif des tromperies et des diableries en ce monde. Combien d’argent le diable a-t-il gagné à duper Ève ? » Le mysterium iniquitatis (mystère d’iniquité), évoqué par Paul, ne se réduit pas, comme le souligne Melville, à l’amour de l’argent. Sans prétendre définir précisément ce que ce mystère recouvre, il apparaît évident que la lutte contre les formes historiques de l’iniquité exige une mobilisation collective – mais pas par la seule répression étatique. La répression n’interroge rien : elle se borne à gérer les effets tout en laissant intactes les causes. Si l’argent constitue une motivation centrale des organisations criminelles, peut-être faut-il questionner l’importance démesurée qu’il occupe dans notre mode de production, où il est érigé en dieu – un dieu qui, pour paraphraser Léon Bloy, donne la vie à celles et ceux qui le possèdent, et la mort à celles et ceux qui en sont privés.
L’essai de Michel Claise semble aspirer à un réveil conditionné : conditionné par la fonction de juge d’instruction financier de l’auteur, mais aussi par un cadre intellectuel qui obture l’imagination, la rendant inapte à concevoir des solutions plus créatives. Ce livre trouvera sans aucun doute son public, en captivant celles et ceux qui désirent bénéficier de l’érudition de l’auteur sur la criminalité organisée. Cependant, il pourrait décevoir les rêveurs, pour qui un véritable appel à alchimiser un monde incapable de se hisser à la hauteur des défis qu’il doit affronter – notamment celui de la criminalité – aurait été nécessaire. Si les phénomènes décrits par l’auteur menacent indéniablement la crédibilité de la démocratie contemporaine, celle-ci semble tout autant, voire plus, fragilisée par notre difficulté collective à questionner en profondeur le mode de production capitaliste et à envisager des alternatives qui honoreraient à la fois la justice sociale et le respect des particularités.