De Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Thibaut Wenger, avec François Ebouele, Thierry Hellin, Fabien Magry, Berdine Nusselder – Crédit photo : Christophe Urbain
Du 7 au 16 octobre à 20h15 au Théâtre des Martyrs
Bernard-Marie Koltès était un auteur français qui est encore joué à l’heure actuelle partout dans le monde. C’est une version de Combat de nègre et de chiens, écrite en 1980, que le Martyrs présente pour le moment. Mais que se cache-t-il derrière ce titre énigmatique ?
L’intrigue se passe au cœur d’un pays de l’Afrique de l’Ouest où une poignée de blancs vivent reclus dans un camp entouré de barbelés et de gardes la nuit, et travaillent pour un chantier de travaux publics le jour. La tension est palpable et va atteindre son paroxysme en une nuit après l’apparition d’Alboury, un mystérieux noir venu réclamer la dépouille de son frère, officiellement mort sur le chantier, officieusement tué et jeté dans les égouts par un ingénieur blanc. Malgré les négociations, Alboury ne partira pas avant d’avoir retrouvé le corps. Le chef de chantier doit aussi gérer l’arrivée de Léone, sa future femme. Evidemment, la nuit risque de mal finir.
L’auteur de la pièce se défend d’avoir écrit un texte sur l’Afrique. De fait, il parle surtout de cette communauté blanche qui vit dans une certaine peur au milieu d’un continent qu’elle ne comprend pas. Il parle du grain de sable qui peut faire dérailler l’engrenage et la tension qui existe entre les deux communautés : des blancs qui vivent au milieu du peuple noir, entourés de barbelés et de gardes noirs armés (comment Alboury a-t-il pu entrer sur le chantier si ce n’est aidé par la complicité des gardes ?). Koltès explique d’ailleurs que c’est, pendant une visite sur un de ces chantiers, le bruit que font ces gardes pour communiquer et se tenir éveillés qui lui ont inspiré le climat oppressant initiant cette histoire.
C’est justement la tension entre ces communautés et celles qui règnent dans chacune des communautés qui donne le ton de la pièce : violente, dramatique, poisseuse. Car dans ce monde, personne n’est irréprochable, chacun y voit son intérêt ou est prêt à tout pour arriver à ses fins. Et le lever du jour ne laissera personne indemne.
Dans cette adaptation, le point fort – aidant en outre à comprendre la pièce – se situe au niveau de la scénographie d’Arnaud Verley. Les décors symbolisant les pylônes du pont en construction ou la dangerosité de la forêt aux alentours sont irréprochables. Mais le plus significatif est l’utilisation de la lumière. Une lumière qui ne sera jamais très présente (à aucun moment la scène ne sera totalement éclairée), mais au combien nécessaire pour expliquer les situations et créer le climat parfait pour l’histoire (les phares d’une voiture, l’utilisation d’une lampe de poche ou même, plus simplement, la luminosité de la lune au milieu d’une noirceur effrayante).
Le point faible peut venir de l’interprétation outrancière et assumée. Il faut un peu de temps avant d’accepter le jeu à la limite de la caricature de l’ingénieur et de la femme qui dénote par rapport au jeu très sobre du chef et d’Alboury. Ce n’est qu’après être rentré totalement dans l’histoire que l’on justifie cette interprétation qui sert finalement le récit.
Le spectateur sortira de la salle, retourné, égaré par le récit noir qu’il vient de suivre. Peut-être perplexe concernant l’histoire, mais subjugué par une scénographie ambitieuse et réussie.