De Vladimir Steyaert, scénographie de Rudy Sabounghi, avec Maïanne Barthès, Christophe Brault, Vincent Hennebicq, François Sauveur. Du 08 au 16 octobre 2019 au Théâtre National. Crédit photo : Hubert Amiel
De tout temps, des êtres humains ont été amené à briser les codes de leur époque et la société leur ont fait payer le prix. Ces codes sont divers, des codes moraux, religieux, sexuels ou de genre. Ou des codes cryptologiques. Codebreakers nous narre les histoires de quatre humains qui ont eu l’audace d’être à contresens, parfois jusqu’à la folie, et le courage d’aller jusqu’au bout de ce qu’ils sont et de ce qu’ils faisaient.
Au 16ème, Giordano Bruno, frère dominicain se réclame de ceux qui préfèrent la vérité et la connaissance à une soumission simple ; en accordant du crédit entre autre à Nicolas Copernic et en réfutant les thèses géocentrées d’Aristote. Le frère Giordano est excommunié et condamné au bûcher.
Au 19ème siècle, Camille Claudel est l’apprentie et l’amante d’Auguste Rodin. Ses œuvres transcendent la sculpture telle qu’on la connaît à cette époque, Camille Claudel est un génie mais surtout une femme, on lui refuse dès lors la gloire. En tant qu’amante, elle est contrainte d’avorter, elle porte l’opprobre sur sa famille. Sa mère et son frère décident de l’interner. Elle mourra dans l’indifférence.
Au 20ème siècle, Alan Turing, éminent mathématicien et cryptologue, se voit confier la mission de rompre les codes de la machine Enigma servant à crypter les messages de l’armée allemande. Un jour, il se fait cambrioler et part déposer plainte à la police. Il y mentionnera son homosexualité. Il sera condamné à l’incarcération ou la castration chimique pour indécence manifeste et perversion sexuelle et sera reconnu bien plus tard pour avoir déchiffrer Enigma.
Au 21ème siècle, Chelsea Manning, née Bradley, analyste militaire est condamnée pour trahison. Elle a divulgué via Wikileaks des documents sur les pratiques et les interventions de l’armée américaines pendant les guerres en Afghanistan et en Irak. Elle purge sa peine avant d’être graciée par Barack Obama puis de nouveau mise en prison pour avoir refusé de témoigner dans le dossier WikiLeaks.
Vladimir Steyaert a souhaité nous raconter quatre histoires distinctes pour venir les confondre de plus en plus à chaque tableau.
L’avant-plan qui est le lieu où les personnages principaux nous invitent à vivre les instants les plus décisifs de leurs vies, seuls face à eux-mêmes et libres de leurs choix. On y retrouvera principalement Alan Turing, Chelsea Manning et Giordano Bruno. L’écran blanc qui vient appuyer et souligner certains moments par une narration uniquement visuelle. Et l’arrière-plan qui est le plan de la famille, des intervenants extérieurs. On y retrouvera Camille Claudel en prise avec des décisions qui ne sont pas les siennes, entravée par sa famille et son amant.
Il y a de l’humour, il y a du tragique, il y a de la poésie, il y a du désespoir, il y a tout ça et plus dans Codebreakers. Il y a de l’admiration, ainsi qu’une volonté de rendre encore vivantes ces histoires et ces gens qui ont été nécessaires au monde et qui le seront encore. De tableau en tableau, les destinées se confondent à travers l’espace scénique et le temps pour faire émerger une figure universelle, celle de la contestation envers tout système répressif. Les codes se brisent, la liberté se gagne et cette pièce nous le rappelle.