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    Le Cirque des femmes : « L’intime, c’est le chemin vers l’authenticité »

    Le Cirque des femmes, créé en 2015 par les Filles du Nord sous la direction du metteur en scène Alexis van Stratum, se joue au Théâtre de la Toison d’Or (TTO) du mercredi 20 décembre 2017 au samedi 6 janvier 2018. Rencontre avec les quatre comédiennes : Ann Vandenplas, Charlotte Devyver, Micheline Mordenfeld et Sophie Doyen.


    Qui sont « Les Filles du Nord » ?

    Charlotte Devyver : Ann, Micheline et moi-même nous sommes rencontrées à Bruxelles dans le cadre d’un cours de jeu d’acteurs face caméra donné par Alexis van Stratum. Ann nous a convaincue de créer quelque chose ensemble et a ensuite proposé à Sophie, qu’elle connaissait des cours d’impro, de nous rejoindre.

    Ann Vandenplas : Ce qui est amusant c’est que Sophie et Micheline venaient de revenir en Belgique après plusieurs mois à Paris au Cours Florent et, alors qu’elles avaient suivi les cours en même temps sans vraiment se rencontrer, il a fallu qu’elles rentrent à Bruxelles pour faire la connaissance l’une de l’autre !

    Comment est née l’idée du Cirque des femmes ?

    Ann : On s’est donné du temps pour trouver la thématique et on a beaucoup travaillé avec l’improvisation comme outil de création. À un moment donné, Sophie a fait une improvisation sur un cirque dans lequel il y aurait toute sortes de femmes, et nous sommes donc partie sur cette idée pour construire notre spectacle.

    Charlotte : La thématique nous convenait d’autant plus que nous étions quatre femmes et que très vite nous avons développé des anecdotes issues de notre vie, de notre intimité, des expériences de notre entourage…

    Micheline Mordenfeld : Il y a de tout, des expériences personnelles mais aussi beaucoup de situations inventées, parfois même absurdes.

    Comme dans Les Monologues du Vagin d’Eve Ensler, l’intimité féminine est au cœur de la pièce. Pourquoi est-ce important d’aborder les questions intimes quand on parle des femmes ?

    Micheline : L’intimité des femmes est importante car elle est souvent encore taboue. Nous le sentons notamment à travers les réactions des hommes qui viennent voir le spectacle. Certains nous ont dit avoir appris des choses sur les règles, la ménopause… qu’ils ignoraient jusque-là.

    Charlotte : Le domaine de l’intime est aussi intéressant parce qu’il est universel. Je me demande souvent ce que les autres femmes ressentent dans certaines situations de la vie privée et, en discutant, on se rend compte que nos expériences sont très proches.

    Ann : En effet, l’intime, c’est un chemin vers l’authenticité. Ça nous évite aussi de tomber dans les clichés.

    Micheline : Certains comparent Le Cirque des femmes aux Monologues du Vagin et cela est pour nous un grand compliment. Notre approche est toutefois plus large. Alors qu’Eve Ensler a écrit sa pièce sur la base de nombreux témoignages en lien avec la sexualité féminine, notre spectacle aborde un plus grand nombre de thématiques, offrant une sorte de « zapping » sur ce qu’est l’expérience des femmes au quotidien.

    L’autre différence avec Les Monologues du Vagin, c’est que notre spectacle repose sur la combinaison de quatre écritures différentes. Nous avons chacune notre style propre et Alexis a eu le mérite de créer un objet théâtral cohérent sur la base de nos textes individuels.

    Peut-on dire de la pièce que c’est une pièce féministe ? Quels sont les principaux messages qu’elle cherche à passer ?

    Charlotte : Je ne sais pas si notre spectacle est « féministe » mais en tout cas, il est « féminin » car il s’intéresse à la vie des femmes.

    Ann : Si « féministe » signifie revendiquer des droits pour les femmes, alors il y a bien sûr certains aspects féministes dans la pièce. Mais notre but est avant tout de créer un spectacle qui rassemble. On ne cherche pas à effrayer les hommes, mais au contraire à créer un dialogue entre hommes et femmes.

    Micheline : Notre spectacle peut être considéré comme féministe dans la mesure où il s’inspire de la nouvelle vague de jeunes femmes qui militent pour l’égalité. Aujourd’hui, il faut bien souvent se battre non pas pour de nouveaux droits mais pour préserver nos droits.

    Pourquoi ce costume, alliant tutu rose et la veste perfecto en cuir noir ?

    Micheline : Notre costume, c’est une façon de dire qu’il faut accepter la femme comme elle est, qu’elle soit coquette ou pas, qu’elle aime les bijoux, les jupes, ou au contraire qu’elle revendique une certaine mise à distance du féminin à travers ses Dr. Martens ou ses vêtements masculins. Le perfecto et le tutu, c’est une façon de reconnaître ces différences et de souligner la diversité des femmes.

    Le Cirque des Femmes a vu le jour en 2015. La pièce a-t-elle évoluée depuis ?

    Sophie Doyen : Depuis les premières représentations en 2015, la pièce a un peu évolué. La forme reste la même mais quelques ajustements ont été faits au niveau du contenu, notamment pour tenir compte de l’actualité.

    Ann : La scène du « petit cours d’histoire sur la femme » a ainsi été ajoutée. Micheline a par ailleurs retravaillé plusieurs de ces textes et nous avons dû faire des choix pour réduire la durée de la pièce de 3h à 1h40.

    Le Cirque des femmes est joué pour la première fois au TTO, mais c’est aussi la dernière fois pour une pièce du café-théâtre la Samaritaine…

    Ann : La Samaritaine est un lieu unique près du Sablon à Bruxelles qui permet à des troupes de comédien-ne-s peu connu-e-s de trouver un public. Huguette Van Dyck, la directrice, a cru en nous et nous lui en sommes très reconnaissantes. Le café-théâtre fermera définitivement ses portes le 1er janvier 2018 et c’est vraiment triste, car nous avons besoin de tels lieux pour soutenir les nouvelles créations. La création n’est pas un chemin facile et, contrairement aux grands théâtres, les petits cafés théâtres prennent des risques en donnant leur chance à de nouvelles pièces.

    Micheline : Notre spectacle doit beaucoup à tous ces gens qui, comme Huguette, ont cru en nous et nous ont fait partager leur expérience. Fabienne Govaerts de La Clarencière nous a emmenées au Festival d’Avignon en juillet 2016 et nous avons eu la chance d’être bien entourées.

    Ann : Personnellement, je suis très émue de jouer au TTO car c’est le lieu dans lequel j’ai découvert les premiers « one woman show » de Laurence Bibot, et les pièces de Dominique Breda, qui sont fantastiques.

    Avez-vous pour projet d’écrire un autre spectacle ensemble et, si oui, sur quel thème ?

    Ann : Sophie, Micheline et moi préparons un nouveau spectacle avec Alexis van Stratum, cette fois sur le thème du deuil.

    Sophie : Comme pour Le Cirque des femmes, nous y parlons de sujets qui nous touchent.

    Ann : En parallèle, je continue aussi mon duo comique Girls Next Door avec Evelyne Demaude.

    Micheline : Je travaille à l’écriture d’une pièce sur le rapport mère-fille.

    Charlotte : De mon côté, je poursuis un projet indépendant en tant que marionnettiste.

    Le Cirque des Femmes est à voir au Théâtre de la Toison d’Or (TTO) à Bruxelles jusqu’au 6 janvier 2018.

    Soraya Belghazi
    Soraya Belghazi
    Journaliste

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