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    Circé. Tout simplement tout nu.

    La Balsamine propose durant trois jours le spectacle Circé de Matthieu Hocquemiller. Circé, c’est une performance où quatre êtres humains nus vont se plonger dans un rite transformiste pour conjuguer sexualité, écologie du vivant et de la nature. C’est une pièce qui se vit comme une transe, dont on ne comprend les effets que lorsque ceux-ci prennent tout doucement fin. 

    Circé commence par une entrée à la fois douce et fracassante : Mathieu Jedrazak ouvre le bal. Il est nu sous une tunique transparente, à talons. Il s’adresse au public, tout en descendant les escaliers pour rejoindre la scène. Là, il se mettra à chanter d’une très belle voix un chant d’un romantique français du 19ème siècle dont je n’ai pas retenu le nom. Une fois terminé, il mentionnera que le compositeur semblait avoir déjà tout compris, bien avant les rapports du GIEC et les avertissements de Rachel Carson dans le « Printemps silencieux ». Enfin, il nous souhaitera bonne chance pour les prochaines année et décennies à venir. La transe va alors pouvoir débuter.

    Il faut cependant revenir sur ce qu’il vient de se passer car tout est déjà là : Mathieu Jedrazak est une bête de scène, et une des personnes les plus charismatiques vues ces dernières années dans le théâtre bruxellois. Il est puissant, sûr de lui, drôle. Il est à sa place. Il fait des blagues sur sa poursuite lumineuse qui ne le suit pas ou sur un téléphone qui n’a pas été coupé (malgré les avertissements) et qui a sonné alors qu’il chantait. C’est un passeur, et même en annonçant le choc qui nous attend lors des années à venir, il le fait avec le sourire. C’est le lapin blanc de l’Alice au Pays des Merveilles, plus grand et moins poilu. Son sexe dépasse de son peignoir lors du salut, alors qu’il était nu durant 50 minutes, il en fait une blague, en un regard. Une merveille de comédien. 

    Par cette entré en matière, Jedrazak illustre aussi les ambitions de l’autre Matthieu. L’avenir et la politique, en termes de plans d’action, on s’en fout un peu ici. Ils vont juste nous souhaiter « bonne chance ». Il faut donc prendre le spectacle Circé pour ce qu’il est et ne surtout pas y aller pour chercher des réponses ou une polémique sur l’environnement, la sexualité et ce qu’on en fait. Il n’y aura pas matière à débat. Il faut y aller parce que c’est interdit au moins de 18 ans, parce que notre curiosité est titillée par le fait qu’une sexualité différente y sera performée et pour avoir cette envie de vivre, assis, un trip sonore, lumineux, enfumé, où des êtres tout nus vont se toucher et se caresser derrière un écran translucide. 

    On pourrait se demander ce qui différencie ce que nous sommes en train de voir d’une backroom gay fantasmée ou le salon de l’érotisme homo à Tour et Taxis (si cela existe). D’abord, les actes sexuels ne sont pas performés pour créer du désir dans le public. L’acte transformateur doit se produire chez les quatre personnes sur scène, dont les corps se mélangent. Ensuite, il y a jeu, théâtre et écran de fumée : les pénis, quand ils en ont, ne sont pas vraiment en érection, les fellations sont fausses. Le sexe veut se vivre autrement, comme une grande réjouissance, en accord avec les puissances telluriques, les sons du tambour et les flashs lumineux (dont il ne faudrait pas abuser, l’abus d’effets stroboscopiques, au cœur de la métamorphose, tendant à détourner le regard). Sortant de leur monde de fumée, tout aussi nus qu’en y entrant, voici des êtres humains prêts à planter des fleurs, même dans leurs fesses, et à faire un avec la nature, terreau humain. On sort de là heureux d’avoir vécu une expérience, qui, si pas bouleversante, répond à ses promesses de sexualité verte. 

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