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    Christian Bérard, clochard magnifique de Jean-Pierre Pastori

    auteur : Jean-Pierre Pastori
    édition : Séguier
    sortie : avril 2018
    genre : biographie

    Christian Bérard, dit “Bébé Bérard” à cause de son visage poupin, est certainement le personnage le plus fantasque et talentueux qui s’illustra autant dans le théâtre autant que dans la mode du Paris de l’Entre-Deux-Guerres. Des Années folles en passant par la Grande Dépression pour aboutir à la Seconde Guerre mondiale, cette petite trentaine d’années est une période mouvementée s’il en est, où l’on passe de l’euphorie de l’utopie positiviste à une crise économique sans précédant qui mènera à une désillusion encore plus grande avec la reprise des conflits mondiaux suivie par une reconstruction laborieuse d’un monde tout entier après l’armistice. Le décor est planté!

    Christian Bérard sera autant spectateur qu’acteur de cette période tourmentée et peut-être aussi son reflet le plus éloquent. Christian Dior, après des années de vaches maigres et de tenues ternes et sans formes, resculpte le corps féminin avec des robes-fleurs fabriquées avec des mètres de tissus et l’inspirateur du New Style ne s’y était pas trompé en l’exposant. Ni d’ailleurs aucun des metteurs en scène avec qui il collabora tels Cocteau, Jouvet ou Petit en lui confiant les décors et les costumes de leurs pièces de théâtre qu’il réalise dans un style proche du Néoromantisme alors que la tendance artistique se tourne plutôt vers le Cubisme, et un peu plus tard, vers le Surréalisme.

    Mais Christian Bérard n’était pas que décorateur et costumier de théâtre, il était également dessinateur de mode et travaillera notamment pour Harper’s Bazaar et Vogue entre autres magazines prestigieux. Mais il était surtout peintre. Et ce sera toujours la peinture qui aura la préférence de cet artiste hors du commun. Et c’est par la peinture qu’on lui reconnaîtra son talent même s’il était terrifié par le regard que les autres portent à ses oeuvres à tel point qu’il n’exposait que rarement.

    Si Bébé Bérard était un artiste très en vue à l’automne précoce de sa vie, fréquentant le Tout-Paris des années 1930-1940, il était toujours à court d’argent, un état qui était probablement lié à la consommation intensive qu’il faisait de l’opium. Pour “chasser le dragon”, il y avait au préalable une préparation minutieuse demandant beaucoup d’attention et cet extrait de pavot somnifère plongeait ensuite la personne qui en fumait dans un état de conscience altéré provoquant toute sorte d’hallucinations. De fait, cette addiction à l’opium renforçait ses propres peurs et son manque de confiance en lui. S’il semblait parfois avoir conscience de son talent, il n’était pourtant jamais satisfait de ses oeuvres, avait du mal à honorer ses commandes dans les temps quand il ne les livrait pas tout simplement, promettait sa participation à un projet pour se dédire au dernier moment. Cela ne l’empêcha pas d’être extrêmement prolifique : à la fin de sa vie, il croulait sous les commandes regrettant de ne pas avoir assez de temps pour sa peinture!

    Jean-Pierre Pastori, biographe spécialiste du monde du spectacle, dans Christian Bérard, clochard magnifique esquisse le portrait au fusain moelleux d’un artiste génial et intuitif qui fascinait par son génie en totale incompatibilité avec les traits de son visage joufflu couronné d’une barbe foisonnante – ce qui lui évitait la pénible corvée de se raser – toujours tachée de peinture, ses doigts sales et sa mise négligée. C’est surtout le témoin, si on y regarde bien, d’une époque pas si lointaine que ça mais qui nous semble pourtant à des milliers d’années lumière des préoccupations des hommes du XXIe siècle. Ou peut-être pas. A vous de trancher!

    Daphné Troniseck
    Daphné Troniseck
    Journaliste du Suricate Magazine

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