auteur : Xavier Deutsch
édition : Weyrich
date de sortie : septembre 2014
genre : roman
Département des Ardennes, au bord de la France. Le bourg de Baison, petit village tranquille constitué d’une cinquantaine de maisons seulement, est paternellement administré par Basile Rouillon.
Ne vous fiez pas à son prénom russe car, comme l’indique l’écharpe tricolore qui lui ceint le torse, Basile est français et maire de cette petite communauté. Du reste, à Baison, une grande partie des habitants masculins sont prénommés à la moscovite. Une coutume locale, une manière de valider cette rumeur selon laquelle la chaussée de Moscou devrait son nom aux pontonniers russes venus construire leurs ouvrages au XVIIIe siècle sur le canal que fit creuser le roi de France.
La chaussée de Moscou, c’est l’axe principal de la commune. Il structure le village, au même titre d’ailleurs que les rumeurs le charpentent. « On n’a jamais été scrupuleux sur la vérité historique » à Baisons et ce n’est pas l’agrégé d’histoire venu de Charleville-Mézières ayant prétendu que la chaussée tenait son nom de la forêt de Mochou avoisinante qui vous dira le contraire.
De toute façon, est-il vraiment nécessaire de s’appesantir sur l’étymologie de cette chaussée ? Après tout, il importe juste qu’elle soit le décor principal de ce roman dont l’intrigue, toute de badineries apparemment anodines, laisse progressivement place au drame. Peut-être est-il également intéressant de relever que c’est au numéro 12 de ce même axe que le maire habite, en compagnie de son épouse Brigitte qui cultive l’étrange habitude de souhaiter être promenée au bout d’une laisse quand vient la nuit, à moins qu’il ne s’agisse là encore que d’une anecdote supplémentaire.
Tout au plus le lecteur doit-il savoir que c’est dans cette chaussée que l’histoire débute par une discussion cocasse entre l’amant de la sœur de Basile et Basile lui-même, avant qu’Iermil ne les interrompent, sa fille ayant pris la tangente alors qu’un « faune » rôde dans les bois.
Et bien non, ces détails ne suffisent pas. Car la chaussée de Moscou et son bois municipal se trouvent à quelques kilomètres seulement de la Belgique, ce pays « qui [n’était] pas la Suisse mais qui l’est devenu »… Car, au-delà des pensées qui traversent Basile avec truculence et de ses surprenantes rencontres villageoises, la chaussée de Moscou, c’est surtout le symbole du rapport avec l’étranger, cet ouvrier russe que l’on a renvoyé chez lui la construction du pont clôturée, ce romanichel voleur de poules françaises, ce Moldave en visite culturelle ou ce clandestin que l’on protège d’un silence obstiné. Une relation à l’autre d’une inquiétante actualité à l’heure où la droite progresse en France et dont on ne soupçonnait pas Xavier Deutsch de vouloir interroger dans ce roman qui, au départ, n’avait pas l’air d’être sérieux.