auteur : Peter Ackroyd
édition : Philippe Rey
sortie : février 2016
genre : biographie
Alors que la figure esthétique et symbolique de Charlie Chaplin semble ne jamais avoir été aussi forte, et que les publications à son sujet sont foison, l’écrivain et critique littéraire anglais Peter Ackroyd y va de sa biographie sur « Charlot », avec une triple ambition : littéraire, premièrement ; de restitution la plus vraisemblable des événement de sa vie – parfois en contradiction avec son autobiographie, qui serait un peu trop à son avantage – ; d’analyse succincte de chacun de ses films, pour finir, dans un esprit très pragmatique qui tendrait à mettre à chaque fois en évidence les défauts et les qualités des œuvres.
Ackroyd retrace donc de manière tout ce qu’il y a de plus linéaire la vie de Chaplin, de sa naissance à sa mort, mais change parfois de style en cours de route en fonction des aspects biographiques qu’il aborde. Ainsi, on craint une trop grande factualité dans les premières pages, qui tentent d’éclairer le plus largement possible l’enfance et les origines de Chaplin. Mais cette manière de faire assied la méthode de l’auteur qui par la suite, s’appuiera sur nombre de témoignages parfois contradictoires pour tenter de s’approcher le plus d’une vérité objective.
On peut s’interroger sur la légitimité d’une telle démarche – faut-il faire toute la lumière sur la réalité d’un mythe ou laisser s’exprimer l’image semi-fictionnelle qu’il a bien voulu laisser de lui-même ? – mais elle n’est pas plus discutable qu’une autre et a le mérite d’exister. Là où le livre est un peu plus déstabilisant, c’est qu’en plus de vouloir être objectif sur la vie de Chaplin, il voudrait également l’être sur sa filmographie. Ackroyd énumère les films tournés et réalisés par l’acteur-réalisateur, en ajoutant presque systématiquement au contexte de production un appendice critique constitué d’avis de journalistes ou de personnalités de l’époque, augmenté de son appréciation personnelle.
On peut louer les qualités de chercheur et de biographe de Peter Ackroyd, mais ses qualités de critique cinématographique sont apparemment plus discutables. Sa méthode est en tout cas très ancrée dans une approche anglo-saxonne de la critique, rationaliste et factuelle, qui empêche parfois de voir la beauté là où elle se trouve, en se concentrant presque exclusivement sur des questions de vraisemblance ou de rendu technique. L’appréciation d’Ackroyd sur les films de Chaplin est donc à prendre avec des pincettes, notamment lorsqu’il émet des réserves sur Les Temps Modernes et Le Dictateur, mais peut-être encore plus lorsqu’il tire sur des ambulances, des films largement critiqués par « l’opinion publique », à savoir Monsieur Verdoux, Un roi à New York ou encore La Comtesse de Hong-Kong.
Le livre est néanmoins agréable à lire, même s’il ne faut pas avoir peur de voir l’image de Chaplin quelque peu écornée. Ackroyd le décrit parfois comme un tyran, imbu de lui-même et inflexible, mais s’appuie sur assez de sons de cloches concordants pour que l’on ne puisse pas – trop – mettre en doute sa sincérité. Ce Charlie Chaplin est une lecture instructive, un document qui sera utile dans la bibliographie toujours en construction consacrée au cinéaste, mais qui mérite peut-être d’être agrémentée d’autres ouvrages sur le sujet pour avoir une idée moins orientée de l’homme et de l’artiste.