Scénario, chorégraphie et mise en scène de Michèle Noiret avec Juan Benitez, David Drouard, Isael Mata, Marielle Morales, Lise Vachon, crédit photo : Sergine Laloux
Du 16 novembre au 19 novembre 2016 à 20h15 au Théâtre National
Hors-Champ est un spectacle entre danse et théâtre, sans dialogue, dans lequel Michèle Noiret s’exerce à nouveau à développer son art entre chorégraphie et cinéma. Elle travaille un dialogue entre ces deux formes d’expression afin que l’une et l’autre se répondent. Dans Hors-Champ, Michèle Noiret mélange les techniques: le décor sert de support à l’éclairage et à la projection, le texte se soustrait aux expressions montrées par la vidéo, la scénographie se met au service de la danse, la musique enveloppe l’ensemble de la représentation.
Il est complexe de décrire ce qu’il se passe dans Hors-Champ. L’histoire débute sur une rencontre de gens à priori ordinaires. Pourtant, certains protagonistes semblent avoir un passé sombre en commun, une relation entre une victime et un bourreau. Une ambiance pesante s’installe rapidement et constitue le terreau d’un drame dont on ne sait jamais s’il est réel ou imaginaire. Le scénario est ponctué de suggestions métaphoriques teintées d’infidélité, de tromperie, de méfiance et de confrontations parfois violentes.
Le dispositif scénographique sert parfaitement le propos. Fragmenté en plusieurs parties mobiles, il est conçu de sorte qu’il y ait un endroit et un envers et que tous deux participent à la mise en scène. Ainsi, le spectateur est immergé tantôt de front dans la réalité de la scène qui se joue, tantôt dans l’envers du décor, qui induit un univers plus sensible, onirique. L’introduction d’un caméraman sur scène et la projection de son film en direct rajoute de l’espace à l’espace scénique et permet de voir à travers les pans de murs qui nous font face. Ce travail très juste et de grande qualité de la chorégraphe bruxelloise Michèle Noiret met en tension l’imaginaire et le réel. Il suffit à plonger le spectateur dans une envoûtante confusion.
Si la volonté assumée de Michèle Noiret est de se garder de donner les clés de lecture de la pièce afin de laisser libre cours à l’imaginaire du spectateur, le stratagème peut générer un sentiment d’incompréhension voire de frustration. D’autant plus que dans Hors-Champ, des liens maladroits et ténus sont faits tous azimuts à des faits d’actualité. On devine des références à des conflits historiques ou encore à des systèmes de surveillance des services de renseignements. On voit apparaître sans préambule le mot « Syrie », faisant fi de toute la symbolique brûlante qu’il revêt. On devine un message à portée politique en trame de fond mais ce dernier reste incompréhensible. Peut être aurait-il mieux valu rester dans un univers qui tient plus de la rêverie, ou en l’occurrence du cauchemar, que de données des informations concrètes.
Dans ce spectacle, on voit de belles choses certes, de très beaux tableaux, de très bons danseurs, mais on se sent un peu à l’écart de ce qui se passe malgré cette volonté de nous faire voir l’envers du décor. C’est d’ailleurs sur cette conclusion que se termine la représentation: les seuls mots qui sont alors prononcés invitent le caméraman inquisiteur à se retirer.